Fillon sur la Syrie: « Parle-t-il de dialogue ou de restauration du régime? »

By | novembre 23, 2016

L’ancien Premier ministre, dont la proximité avec Vladimir Poutine est connue, a déclaré sur LCI qu’il faillait « négocier » avec le régime de Bachar el-Assad.

Au lendemain de sa victoire écrasante au premier tour de la primaire de la droite, François Fillon était interrogé, sur LCI, sur sa position vis-à-vis de la Russie et du Proche-Orient. « Ce n’est pas parce qu’on s’offusque de la situation en Syrie qu’elle va changer », a-t-il notamment déclaré avant d’appeler à renouer avec Moscou et à dialoguer avec le régime syrien. L’analyse du politologue Julien Théron, enseignant à Sciences-Po Saint-Germain et Paris II-Assas.

François Fillon explique que « la Russie ne constitue en rien une menace pour notre sécurité ». Partagez-vous cet avis?

Qu’il explique cela à l’Ukraine! La Russie s’est emparée d’une partie de son territoire (la Crimée) et a profondément déstabilisé l’Est du pays. Qu’il prenne en compte les inquiétudes des Pays baltes. Moscou explique vouloir réagir si la Russie « se sent » menacée, mais personne ne l’attaque.

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La Russie mène une stratégie de déstabilisation multi-vectorielle. Elle fait pression sur plusieurs pays au travers de zones grises (Transnistrie, Abkhazie, Ossétie) et mène une véritable ingérence politique dans les pays occidentaux via son alliance avec les partis populistes et europhobes.

Selon l’ex-Premier ministre, il n’y a que deux moyens de mettre fin à la guerre en Syrie: « une intervention massive des Occidentaux », ou « parler avec ceux qui ont les moyens d’arrêter le massacre »…

Au plan théorique, un accord négocié est bien entendu une meilleure solution qu’une intervention. Reste que discuter, c’est ce que l’on s’efforce de faire depuis 2011. Il y a eu plusieurs tentatives de négociations, plusieurs accords de cessez-le-feu. Des accords sur une forme alternative de gouvernance de transition ont même été ébauchés. Mais ce dialogue n’a rien donné. Notamment parce que l’on a restreint le champ de discussion à la seule Syrie alors qu’il s’agit d’un conflit régionalisé, avec des forces trans-étatiques comme le PKK, le Hezbollah libanais, des milices chiites irakiennes et bien sûr l’Iran.

Une autre raison est que l’on ne s’est pas donné les moyens de faire respecter les accords passés, quand bien même étaient-ils partiels et appliqués à la seule Syrie. Enfin, on est parti du principe que tous les acteurs recherchaient un consensus de bonne foi, ce qui s’est largement démontré être erroné.

Le régime syrien lui-même, comme la Russie et l’Iran, exclut toute idée de transition. Il ne parle que de reconquête. Sans pression, il n’y a donc rien à négocier. Si l’idée de Fillon est la consolidation d’un pouvoir chiite à Bagdad et la restauration d’un pouvoir alaouite [la communauté du président Assad, une confession issue du chiisme, minoritaire] à Damas, cela ne résoudra en rien la question du djihadisme. Les groupes extrémistes sunnites ont justement proliféré en raison des discriminations et des persécutions dont les sunnites ont été la cible en Irak et en Syrie.

Une intervention « massive » peut-elle être une solution?

Bien sûr que non. Ça serait une très mauvaise idée. Et personne ne l’envisage. Les militaires expliquent eux-mêmes qu’il est impossible de sortir d’un conflit sans solution politique, qui devrait en revanche inclure des contingents limités d’instauration et de maintien de la paix afin de geler les combats et rééquilibrer la gouvernance régionale. C’est ce sur quoi il faudrait travailler, dans le cadre onusien, tout en se donnant les moyens de convaincre les différentes parties.

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