La Manif pour tous compte bien s’incruster dans la présidentielle

By | septembre 16, 2016

Le mouvement catholique qui s’oppose encore et toujours à la loi Taubira organise ce week-end son université d’été. Et compte bien porter ses idées à l’approche des échéances électorales. Mais le peut-il?

La Manif pour tous revient, encore. À quelques mois des échéances électorales de 2017, le mouvement catholique traditionaliste, qui a organisé la contestation contre le mariage pour tous en 2013, compte peser dans le débat public et politique. Si l’organisation, affaiblie, cherche un nouveau souffle, ses idées ont essaimé dans la sphère publique.

Des idées rassemblées dans un document de 40 propositions présentées en début de semaine et qui seront évoquées ce week-end lors de l’université d’été du collectif. Pêle-mêle, il veut renforcer l’illégalité de la PMA et de la GPA, abroger la loi Taubira et constitutionnaliser le mariage entre un homme et une femme.

Une organisation en mutation

La Manif pour tous (LMPT) a-t-elle les moyens de ses ambitions, trois ans après l’adoption de la loi Taubira et alors que 65% des Français sont favorables à son maintien? D’un point de vue organisationnel, le mouvement est en mutation forcée après la fuite de ses cadres en 2013. Aujourd’hui, ne reste qu’un noyau dur rassemblé derrière Ludovine de La Rochère, qui a succédé à l’ancienne égérie Frigide Barjot, et qui compte bien « ne rien lâcher ». « LMPT est un mouvement en transition, sinon en déclin, qui cherche à redéfinir ses stratégies d’action », résume auprès de L’Express Marie Balas, sociologue à l’université de Strasbourg.

Manifestation à l'appel de la "La Manif Pour Tous" le 10 mai 2016 à Paris

Manifestation à l’appel de la « La Manif Pour Tous » le 10 mai 2016 à Paris

afp.com/JEAN-SEBASTIEN EVRARD

En 2016, l’importance du collectif est pourtant « à relativiser », embraye le politologue Gaël Brustier, auteur de Le Mai 68 conservateur. Que restera-t-il de la Manif pour tous? Relativiser mais pas sous-estimer -la participation à la manifestation du 16 octobre sera d’ailleurs révélatrice de sa capacité à mobiliser, les derniers rendez-vous n’ayant pas été très concluants. Car si le mouvement se cherche, « l’esprit conservateur est toujours là », explique le politologue. Et nombre de personnes qui ont émergé dans son sillage continuent de faire rayonner ses idées.

Mais des idées qui rayonnent

La présidente de la Manif pour tous est la première d’entre elles. Ludovine de La Rochère mise depuis plusieurs mois déjà sur un lobbying intensif auprès des élus « du centre et des droites », explique-t-elle à L’Express. Après avoir rencontré Marion Maréchal-Le Pen (FN) cette semaine, elle doit voir Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France. Elle espère s’entretenir avec les candidats à la primaire de la droite, comme elle l’avait fait l’an dernier, lorsqu’elle avait rencontré certains candidats de droite aux régionales, avant d’appeler à un éventuel soutien.

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Ludovine de La Rochère n’est pas la seule, loin s’en faut, à diffuser les idées conservatrices du mouvement. La Manif pour tous dispose d’un réseau informel d’anciens sympathisants, aujourd’hui bien installés. Des personnalités souvent jeunes qui ont émergé après leur participation à des mouvements proches de la Manif pour tous, comme les Sentinelles ou les Veilleurs.

Madeleine Bazin de Jessey, le 15 novembre 2014 lors d'un discours à Paris

Madeleine Bazin de Jessey, le 15 novembre 2014 lors d’un discours à Paris

afp.com/Dominique Faget

C’est le cas de Madeleine Bazin de Jessey, figure médiatique des Veilleurs en 2013 devenue porte-parole de Sens commun, un mouvement associé à Les Républicains grâce auquel elle compte « noyauter » le parti avec les idées de la Manif pour tous, écrit Le Point.

Nommée au bureau politique, elle peut déjà se targuer de petites victoires: plusieurs membres de Sens commun devraient être investis aux législatives. A la primaire, Sens commun a déjà choisi son camp et soutiendra François Fillon, qui veut revenir sur la loi Taubira.

Des mouvements catalyseurs

« Les Veilleurs ont constitué un dispositif d’initiation à la politique pour de nombreux jeunes, ou encore de remobilisation pour les déçus des partis, explique Marie Balas, qui s’est penchée sur la politisation de la jeunesse catholique dans l’après-mariage pour tous. Ils ont découvert qu’ils pouvaient s’engager dans la rue. Certains se sont orientés vers un engagement partisan classique, d’autres ont cherché à poursuivre sous une forme moins conventionnelle (revue, ateliers, happenings…) ».

Si elle n’a pas fait partie des Veilleurs, Eugénie Bastié en était proche. En 2016, celle qui est qualifiée de nouveau « visage de la droite réac » est omniprésente dans l’espace médiatique. Anti-mariage gay et anti-avortement, la journaliste du Figaro a des positions tranchées qu’elle défend au gré de ses interventions.

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Pour autant, attention à ne pas surestimer les Veilleurs, prévient Marie Balas. « Ils ont peu d’influence sur la place publique, un peu plus dans l’espace numérique. L’effectif du groupe est très diminué », explique la sociologue.

Sur Internet, des groupes formés par des anciens de la Manif pour tous ont bien tenté d’émerger comme les Survivants (un groupe anti-IVG). Sans grand succès de l’avis des deux spécialistes. « Autant la droite a été influencée par la Manif pour tous, autant Les Survivants, ce n’est pas très sérieux », assure Gaël Brustier.

Une influence à ne pas surestimer

La Manif pour tous a également ses entrées dans les milieux catholiques et peut s’appuyer notamment sur Dominique Rey, qualifié par certains « d’entrepreneur politique ». L’évêque du diocèse de Toulon-Fréjus « participe à faire rayonner les idées du mouvement », explique un spécialiste.

Ludovine de La Rochère, la présidente de La Manif pour tous.

Ludovine de La Rochère, la présidente de La Manif pour tous.

afp.com/ALAIN JOCARD

Malgré son réseau d’influence, la mesure de l’emprise de la Manif pour tous est difficilement quantifiable. « Quelle influence aura-t-elle dans les prochains mois? Je suis incapable de répondre à cette question », résume une experte du mouvement. « Des enquêtes ont montré que ses électeurs avaient eu un certain poids lors des précédentes élections régionales. Mais aujourd’hui, alors que la loi Taubira fait largement consensus, c’est plus compliqué », prévient Marie Balas. S’il ne faut donc pas surestimer la Manif pour tous, il ne faut pas non plus l’enterrer.