Dimanche soir, sur TF1, Nicolas Sarkozy a sévèrement mis en cause la politique du gouvernement en matière de lutte contre le terrorisme après l’attentat de Nice. Quitte à oublier son propre bilan ou à faire des propositions peu convaincantes.
Division nationale. Après le terrible attentat de Nice, l’opposition a choisi de taper immédiatement sur le gouvernement, accusé de ne pas avoir tout fait contre le terrorisme. L’une des attaques les plus sévères a sans doute été lancée par Nicolas Sarkozy. Dimanche soir au 20 heures de TF1, il a choisi d’opposer une politique qu’il juge laxiste au terrible bilan des attentats perpétrés en France depuis janvier 2015.
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L’ancien président de la République a pourtant d’abord fait montre d’une certaine lucidité: « Je ne dirai jamais que j’aurais pu éviter ceci ou cela (…) Nous sommes en guerre, en guerre totale. Nos ennemis n’ont pas de tabou, pas de frontières, pas de principes. » Mais la fracture politique, ou la campagne présidentielle, a rapidement repris le dessus: « Est-ce que vous croyez vraiment que le souci des Français c’est de savoir si on va se faire des risettes, des sourires, se tendre la main? »
« Est-ce que demain on est en sécurité? Est-ce qu’on sera en sécurité avec nos enfants? Est-ce qu’on peut sortir dans la rue? (…) Tout ce qui aurait dû être fait depuis 18 mois, vous m’entendez, ne l’a pas été. » Et le président du parti Les Républicains d’égrener un éventail de mesures, qui auraient selon lui mérité d’être mises en oeuvre depuis bien longtemps.
Créer des centres de déradicalisation
Nicolas Sarkozy déplore le fait de voir des « milliers de jeunes français qui sont radicalisés ou en voie de radicalisation ». « Il faut s’en occuper, il faut les mettre dans des centres de déradicalisation », précise-t-il. A travers ces mots, le chef de l’opposition attaque de front le gouvernement. Il s’indigne: « Y’en a pas un seul en France ».
Nicolas Sarkozy dit vrai. Pour l’instant. Le gouvernement s’est engagé à ouvrir un centre de « réinsertion et de citoyenneté » par région avant la fin de l’année 2017. Le premier doit ouvrir en septembre prochain, à Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire).
- Quelles conséquences dans le cas de l’attentat de Nice?
A ce stade de l’enquête, la présence d’un centre de déradicalisation dans la région PACA n’aurait sans doute eu aucun effet. Pour la simple et bonne raison que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n’a jamais été soupçonné de radicalisation. Il est passé entre les mailles du renseignement français. Les conséquences, selon les enquêteurs, d’un basculement éclair vers l’islamisme radical.
Enfermer les fichés S
C’est un débat relancé à chaque attentat: faut-il revoir le traitement réservé aux personnes fichées S? Nicolas Sarkozy en est convaincu. Sur cette seule base, il propose d’enfermer tous ceux qui présentent un risque de radicalisation, ou à défaut de leur faire porter un bracelet électronique. Les étrangers, eux, doivent être « mis dehors ».Soit l’exacte reprise des propositions déjà formulées après les attentats de novembre.
C’est mal connaître le fonctionnement de la fiche S. Comme L’Express l’expliquait à l’époque, la fiche S n’est qu’un outil de renseignement. Elle permet de glaner des informations sur un individu, à son insu, pour empêcher un possible passage à l’acte. L’enfermer, ou lui faire porter un bracelet, est la garantie de faire perdre toute utilité à la procédure.
- Quelles conséquences dans le cas de l’attentat de Nice?
Aucune. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n’était pas fiché S.
Fermer les lieux de culte en lien avec le salafisme
« Je souhaite que les préfets soient autorisés à fermer immédiatement tout lieu de culte qui aurait des rapports de près ou de loin avec les salafistes et à expulser tout imam qui y prêcherait », assure Nicolas Sarkozy. Il devrait savoir que c’est déjà le cas. Ce lundi, Bernard Cazeneuve parle de dix mosquées fermées depuis 2012, alors qu’aucune ne l’a été sous le quinquennat de l’ex-chef de l’Etat. Sur la même période, « 80 mesures d’expulsion ont été prononcées à l’encontre de prêcheurs de haine ou de pseudo-imams autoproclamés », ajoute le ministre de l’Intérieur dans un communiqué.
- Quelles conséquences dans le cas de l’attentat de Nice?
Probablement aucune. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n’aurait pas fréquenté de mosquée.
Le délit de consultation de sites djihadistes
C’est un autre marronnier de Nicolas Sarkozy. Depuis l’affaire Merah, il défend la nécessité de sanctionner pénalement la simple consultation de sites djihadistes. Sur TF1 dimanche soir, il a assuré que la sanction contre la consultation de sites djihadistes a été votée en juin, pour une mise en application en octobre.A tort. Le gouvernement, dès novembre 2014, a prévu une sanction pour cette consultation, la condition qu’elle soit liée à une entreprise individuelle terroriste.
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Le 3 juin dernier, la loi visant à renforcer la lutte contre le crime organisé en a fait un délit autonome. Depuis cette date, et absolument pas partir d’octobre prochain, quiconque consulte « habituellement » des sites djihadistes risque d’être condamné. C’est même l’opposition qui a pris l’initiative d’introduire cette disposition dans le texte, adoptée dans sa version finale. Reste à savoir comment, dans les faits, les consultations seront traquées, et comment les journalistes ou les chercheurs, susceptibles de se rendre sur ces sites, seront effectivement protégés. Depuis le 3 juin, il n’y a eu aucune condamnation sur ce fondement, précise le ministère de la Justice à L’Express.
- Quelles conséquences dans le cas de l’attentat de Nice?
Cette disposition pouvait trouver à s’appliquer. Ce lundi, Europe 1 assure que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel regardait « en boucle » des vidéos de Daech peu avant l’attaque. Sauf que là encore, le délai entre la consultation et le passage à l’acte était sans doute trop court.