Le Château est en émoi! L’on y fit tout récemment une stupéfiante découverte: une momie! Une momie à gésir tout benoitement… sur le lit du roi!
Selon les savants les plus réputés, tout exprès dépêchés par le comte Cazeneuve, cette étrange momie, plutôt rondelette, serait celle d’un pharaon de la IVème ou de la Vème dynastie: ainsi que le veut la coutume, les avis divergent en ce sanhédrin. D’aucuns en pincent pour la IVème, d’autres n’en démordent point et affirment qu’il s’agit bien de la Vème, et donc que cette momie serait celle de son dernier roi.
Ils expliquent doctement que ce roi fut déchu de son autorité à la suite d’une palanquée d’échecs et de revers qui le conduisirent à se dépouiller de son Ka, et à choisir la momification à des fins de se concilier les bonnes grâces de cette peau de vache d’Osiris. Qui, selon ces mêmes experts, ne manqua point faire peser son coeur, selon la procédure en vigueur. L’affaire fut classée « secret défense » par le comte du Drian: l’organe se devait en effet d’être pesé dans le dessein de savoir si le défunt était ou non digne d’être sauvé.
Manque de bol, le soufflant se révéla trop léger: le roi fut donc condamné à la relégation éternelle, au grand désespoir du grand prêtre en charge de l’ordonnancement des rites, Ayrault de Nantes, vétilleux gardien de la Chambre des morts, à présent portier de nuit au musée du Caire.
L’histoire de ce pharaon qui causa lui-même sa propre malédiction est assez bien rapportée par les gazetiers de Cour. Mais, selon les savants confinés en conclave à des fins d’en dissiper les derniers mystères, l’on raconte que cet étrange roi avait été victime, sur la fin de son règne, d’une singulière affliction qui lui avait fait perdre son flair.
Il avait subi force revers personnels pour s’être commis en des réformes trop tardives et très emberlificotées, propres à susciter l’hostilité d’un peuple déjà très tourmenté.
A la veille de l’Echéance suprême, celle qui vaut, à la carte ou au menu, décheance ou éternité, ce roi que l’on disait mou et habité de cette lubie tudesque du « finassieren », finit par sombrer dans l’apathie au point que ses derniers féaux entreprirent de l’envelopper de ces bandelettes qui avaient causé son irrémissible descente aux enfers.
Le comte Valls, pour une fois aidé du jeune Macron, désormais dévolu aux basses oeuvres, s’y collèrent avec l’aide d’un taxidermiste réputé.
A des fins de faciliter la tâche des archéologues qui, dans les siècles à venir, seraient en charge d’élucider l’énigme de ce roi si peu aimé, les deux brigands, qui avaient dûment comploté contre leur monarque, prirent grand soin d’inscrire les griefs de la vulgate sur ces mêmes bandelettes.
Dans un inventaire digne d’un boutiquier cairote, l’on y déchiffra la loi El-Khomri, du nom d’une malheureuse courtisane de Haute Egypte, l’échec encore sur la réforme constitutionnelle, échec qui, selon les historiens du palais, causèrent la perte de ce pauvre pharaon, victime de l’implacable bafouement de son autorité.
Pour renfort de potage, le défunt roi fut condamné par Osiris à écrire son autobiographie idéale, en vertu du rite funéraire en vigueur en ce royaume de mauvais peplum.
Il s’y colla, mais sécha lamentablement sur le chapitre des vertus. En revanche, question défauts, il se montra remarquablement prolixe.
Verdict d’Osiris: « Dégage! ».