C’est ce 6 juin que le gouvernement précise les contours de la réforme du droit du travail dans sa lettre de cadrage. Top départ des négociations avec les partenaires sociaux.
C’est peu dire que cette lettre de cadrage est attendue par les partenaires sociaux. Ce mardi 6 juin constitue en effet une étape clé de la réforme du président Macron dans son projet de réforme du code du travail. La missive doit détailler le menu des discussions et des futures ordonnances que le gouvernement compte présenter durant l’été au Parlement.
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La publication lundi 5 juin par Le Parisien d’un document présenté comme l’avant-projet de loi d’habilitation a semé le trouble. Les dispositions du texte, notamment en matière d’extension du champ de la négociation d’entreprise. Le périmètre envisagé dans cet avant-projet de loi pourrait s’étendre à la santé au travail, le travail de nuit, le salaire ou encore, et c’est une nouveauté, le contrat de travail. Le ministère du Travail a très vite démenti la véracité des informations, assurant que ce document n’émanait pas du gouvernement.
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La feuille de route présentée ce mardi 6 juin par Muriel Pénicaud et Édouard Philippe et transmis au patronat et aux syndicats devra donc être observé attentivement. L’exécutif ira-t-il aussi loin? Les concertation à venir permettront-elles d’en amender le contenu? Plusieurs rencontres sont prévues avec la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et ses conseillers. Mais le timing est serré. Le gouvernement veut aller vite. Selon un calendrier dévoilé par Mediapart, son objectif est de voir les ordonnances adoptées mercredi 20 septembre.
1. Plus de poids pour les accords d’entreprise
Au programme des discussions: la hiérarchie des normes et l’articulation entre la loi, les accords de branches et les accords d’entreprise. Emmanuel Macron voudrait aller plus loin que ce qui a été instauré par la loi loi El Khomri. L’article 1 de la loi travail mentionne d’ailleurs cette possibilité.
L’objectif? Que la loi ne fixe plus que les grands principes intangibles (durée légale du travail, la protection syndicale, le salaire minimum …) Aucun accord d’entreprise ne pourrait ainsi y déroger et être moins-disant pour le salarié.
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Pour le reste, la signature d’accords d’entreprise ou de branches dérogeant à la loi pourrait devenir possible dans d’autres domaines. Lesquels? C’est là tout l’enjeu des futures tractations entre le gouvernement, le patronat et les syndicats.
La loi Travail a introduit cette possibilité sur la seule question du temps de travail (même si la durée légale reste à 35 heures): la conclusion d’accords majoritaires d’entreprise permet désormais aux entreprises de mettre en place une organisation spécifique.
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D’autres thématiques comme le salaire ou les conditions de travail seront-elles bientôt concernées? Dans son programme, Emmanuel Macron affirmait vouloir que ces points soient « négociés au plus près du terrain ». Le texte du Parisien semble confirmer cette direction tout en y ajoutant le contrat de travail, « notamment afin d’aménager le recours respectifs aux CDI et aux CDD, ainsi que les conditions et les conséquences de la rupture du CDI », peut-on lire dans le texte. Une demande formulée par le patronat depuis longtemps, qui réclame ce qu’il nomme un contrat de travail « sécurisé » afin de lutter « contre la peur de l’embauche ».
2. Les prud’hommes, l’autre point dur des débats
L’autre gros chantier concernera les prud’hommes et le plafonnement des indemnités reçues par les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse. Après s’être cassé les dents une première fois sur le sujet lors de la présentation de sa loi croissance et activité en 2015 – le barème avait été retoqué par le Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron est bien décidé à imposer cette mesure.
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Le principe: fixer une somme plancher et un plafond pour aux sommes octroyées aux salariés licenciés. Le patronat le réclame depuis très longtemps, arguant du fait que les prud’hommes sont une « loterie. » Pour le président, sa mise en place permettrait d’envoyer un signal psychologique aux chefs d’entreprise qui se sentiraient plus en « sécurité juridique » et auraient donc, assurent-ils, « moins peur d’embaucher. »
Côté syndicats, on accueille le dispositif avec une grande méfiance et pas mal d’hostilité. La CGT est clairement contre. Mais une marge de négociation pourrait s’ouvrir du coté de la CFDT, qui prévient tout de même qu’elle n’acceptera pas « un plafond bas ». Les enjeux à surveiller seront donc les montants fixés et les éventuelles dérogations en fonction de l’âge notamment.
3. CE, CHSCT et délégués du personnel regroupés
La troisième volet des négociations sociales concernera le regroupement des instances représentatives du personnel. L’objectif est de simplifier l’organisation du dialogue social afin qu’il soit « plus efficace », assurait Emmanuel Macron dans son programme. Il affirme également que cela permettrait de « limiter les effets de seuil ».
Le patronat appuie cette proposition de regroupement du CE, du CHSCT et des délégués du personnel. La CGT, FO et la CFE-CGC y sont opposés et craignent de perdre des heures de délégation au passage. La conclusion d’un accord d’entreprise pourrait néanmoins permettre de maintenir les instances existantes. Autant de choses qui vont se préciser au cours de l’été. Un premier test social et législatif pour Emmanuel Macron sur un sujet qui, lors du quinquennat précédent, s’était avéré explosif…