Mélenchon président: le salarié y gagne, l’entreprise beaucoup moins…

By | avril 9, 2017

Abrogation de la loi El Khomri, baisse du temps de travail, interdiction de certains licenciements, nouveau statut pour les travailleurs indépendants… Le candidat de la France insoumise veut bouleverser les règles.

Baptisé l’Avenir en commun, le programme de Jean-Luc Mélenchon s’articule autour de sept grands axes (l’urgence sociale, l’urgence économique ou encore le VIe République…), complétés par des livrets détaillant ses propositions. Sur le plan économique, il promet de nombreux changements pour le monde du travail. Passage en revue de ses mesures fortes pour l’entreprise, et surtout les salariés.

1. Un code du travail plus protecteur

Jean-Luc Mélenchon n’a jamais retenu ses coups contre la loi El Khomri. Il propose donc, sans surprise, de l’abroger une fois élu. Il compte également « supprimer toutes les dispositions des lois antérieures permettant aux accords d’entreprise, ainsi qu’aux accords de branche, de déroger aux règles plus favorables prévues par la loi ».

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Les lois de 2004 et 2008 ont déjà introduits des dérogations à la hiérarchie des normes. Remontera-t-il jusque là? Visiblement oui.

2. Un nouveau statut pour les indépendants

Le candidat de la France insoumise propose de permettre aux indépendants affiliés au RSI de rejoindre le régime général afin « d’harmoniser les protections et les garanties de l’ensemble des travailleurs. » Il n’est pas le seul candidat à proposer de modifier ce régime tant décrié. (Emmanuel Macron ou Marine Le Pen souhaitent eux aussi permettre aux affiliés de rejoindre le régime général, en affirmant qu’il supprimeront le RSI.)

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Jean-Luc Mélenchon veut créer une « Sécurité sociale professionnelle » pour tous les indépendants. Tous les droits personnels comme ceux liés à la formation ou l’ancienneté seraient conservés par la personne elle même, un peu comme le préconise le compte personnel d’activité (CPA), qui sera accessible aux travailleurs non salariés le 1er janvier 2018. Les droits à cette sécurité sociale s’ouvriraient dès le premier jour de fin du contrat de travail.

Il souhaite également revoir le lien unissant employeur et indépendant et inscrire dans le code du travail une « présomption de salariat ». Tout travailleur réalisant une prestation et se retrouvant en situation de dépendance économique (client unique ou personne sous le contrôle d’une plateforme) devrait donc être « présumé salarié ».

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Il suggère également d’aller vers des schémas « vraiment coopératifs » pour les entreprises du numérique afin de permettre aux travailleurs « de contrôler collectivement les plates-formes qui les mettent en relation avec les clients et de cesser d’être ponctionnés par celles et ceux qui en détiennent actuellement les clefs. »

3. Favoriser l’égalitéhommes-femmes et encadrer les salaires

Jean-Luc Mélenchon veut étendre aux entreprises de moins de 50 salariés l’obligation d’adopter un plan contre les inégalités salariales (qui concerne aujourd’hui seulement les plus de 50 salariés). Les sanctions contre les employeurs ne respectant pas cette égalité seraient durcies: il menace par exemple de les priver d’accès aux marchés publics.

Les métiers majoritairement occupés par des femmes seraient revalorisés, promet aussi Jean-Luc Mélenchon. Les grilles salariales seraient ainsi relevées. Et il entend lutter également contre le « temps partiel contraint » (subi à 80% par des femmes).

Le candidat préconise aussi des congés parentaux « de durée identique entre les pères et les mères ». Mais il ne détaille pas plus cette proposition. Pour rappel, la loi du 4 août 2014 a été faite afin d’inciter les pères à prendre un congé parental, en général et quasi exclusivement celui-ci est pris par les mères.

Enfin, en matière de salaire, il souhaite fixer un « salaire maximum autorisé » afin de limiter l’écart de 1 à 20 entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut dans une entreprise.

4. Réduire le temps de travail et chasser les contrats courts

Jean-Luc Mélenchon entend « appliquer réellement et immédiatement les 35 heures ». Une ambition qui implique de majorer les heures supplémentaire (de 25% à 50% et plus au-delà de 4 heures), de revenir sur le forfait-jour et le limiter aux seuls cadres dirigeants. Il assure également qu’il « reviendra sur les élargissements du travail du dimanche. »

Il souhaite également aller vers les 32 heures hebdomadaires et la semaine de quatre jours notamment pour les salariés en travail de nuit et exerçant des métiers pénibles. Une « grande conférence nationale sur le partage du temps de travail et l’impact du progrès technologique » serait convoquée et une « vaste réflexion » serait lancée sur les enjeux de l’équilibre entre des différents temps sociaux (horaires de travail et de garde d’enfant, par exemple…).

En matière de contrat de travail, le CDI serait « la norme » et un quota de contrats courts serait introduit dans les entreprises: pas plus de 5% des contrats signés ne devraient être contrats précaires dans les grandes entreprises et pas plus de 10% dans les PME.

5. Revoir les règles des licenciements

Si Jean-Luc Mélenchon était élu, les licenciements boursiers seraient interdits. Une entreprise « en bonne santé financière avec un niveau de trésorerie d’endettement et d’autofinancement ne remettant pas en cause sa viabilité à court terme » ne pourrait ainsi pas procéder à des licenciements de nature économique.

La France insoumise rappelle ainsi que la nouvelle définition du licenciement économique de la loi El Khomri prévoit « qu’une baisse de commandes ou de chiffres d’affaire ou tout élément de nature à justifier des difficultés » peut donner lieu à des licenciements économiques. Ceci serait donc annulé.

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Enfin, la procédure de contestation des licenciements économiques sera revue. Ces derniers ne pourraient être effectifs que si « toutes les voies de recours » ont bel et bien été épuisées.

Le licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié qui serait reconnu par les prud’hommes donnerait lieu à la réintégration effective de la personne dans l’emploi et au versement des rémunérations dues entre le renvoi et cette réintégration.

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Les délais de prescription prévus pour l’ensemble des actions devant les prud’hommes serait également étendu à 5 ans après la rupture du contrat de travail.

6. Suppression de la rupture conventionnelle

Jean-Luc Mélenchon entend supprimer la rupture conventionnelle, souvent utilisée pour recourir à des licenciements déguisés, affirme le candidat.

Enfin, il veut créer un « droit opposable à l’emploi » en cas de chômage de longue durée.

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L’Etat devra propose un emploi au chômeur en lien avec sa qualification. Un salarié démissionnaire aura droit aux allocations chômage. Cela viendra s’inscrire dans la grande politique de Sécurité sociale professionnelle que défend Jean-Luc Mélenchon.

7. Revoir les règles du dialogue social

Jean Luc Mélenchon souhaite renforcer les droits du comité d’entreprise (CE). Il veut notamment qu’aucune procédure de restructuration et de réorganisation (qu’il y ait des licenciements économiques ou non) ne soit mise en oeuvre tant que le CE n’aura pas donné son avis conforme, ce qui assurerait donc un pouvoir de veto suspensif au comité d’entreprise. Pour le moment, le CE n’a pas son mot à dire et rendre un avis est un geste de pure forme.

Par ailleurs, le périmètre juridique sur lequel les CE ont leur attribution doit être étendu vers les sociétés sous-traitantes et d’intérim auxquelles leur entreprise a recours. Dans les grands groupes, Le CE devrait pouvoir s’entretenir avec les dirigeants des groupes et les actionnaires majoritaires directement et non avec les responsables de filiale seulement.

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Le candidat espère aussi créer « un droit de reprise de l’entreprise » pour les salariés y compris en cas de fermeture liée à d’autres causes que des difficultés économiques. Pour cela, les employeurs devront communiquer aux représentants des salariés des informations sur une éventuelle fermeture de l’entreprise. Une mesure similaire à ce qu’avait établi Benoit Hamon dans sa loi sur la cession d’entreprise.

En cas de projets de reprise multiples, il faudrait donner aux salariés un vrai « droit de préemption ». Le juge devrait ainsi favoriser tout projet de Scop ou de reprises par les salariés si celui-ci est jugé viable.

8. Privilégier les PME

Jean-Luc Mélenchon propose de créer un fonds de solidarité interentreprises dans lequel la contribution sociale (qui assure le paiement des salaires en cas de problème) payées par toutes les entreprises serait mutualisée. Les grands groupes fourniraient un effort supplémentaire (selon un barème progressif) pour soulager les PME. Cela permettrait « d’assurer la solidarité financière entre donneurs d’ordre et sous-traitants. »

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Le candidat de la France insoumise veut moduler le montant de l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille des entreprises. Il serait ainsi plus faible pour les PME (25%) et augmenterait au fur et à mesure.