Présidentielle: « Le programme de Marine Le Pen n’est pas crédible »

By | mars 28, 2017

Jacques Cheminade, Emmanuel Macron, Marine Le Pen et François Fillon étaient invités ce 28 mars à présenter leur programme et à se confronter aux questions des patrons du Medef. Mais tous n’ont pas eu autant de succès. Reportage.

Dans cette campagne, le patronat a toujours affiché sa proximité avec le projet de François Fillon. Ce 28 mars, alors que le Medef avait invité une première salve de quatre candidats à venir s’exprimer devant lui, l’applaudimètre aurait pu suffire à confirmer cette cote de popularité intacte, malgré les « affaires ». « Dans le milieu économique, on sait faire la part des choses », pouvait-on entendre dans les allées de l’auditorium où était organisé l’événement. Le dirigeant d’entreprise est un animal pragmatique, c’est bien connu. Ancré, aime-t-il à le dire, dans la « réalité concrète ».

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Ce n’est a priori pas la qualité première de Jacques Cheminade, premier orateur venu s’exprimer sur l’estrade, pour dire que « l’espace, la mer, et le développement de l’Afrique, sont le chemin de la paix à venir ». « Combien ça coûte? Combien ça coûte? Combien ça coûte? Sur tous les sujets, c’est cela qui prime, alors que la vraie question, c’est combien ça coûte de ne pas faire ? », fustige le fondateur de Solidarité et Progrès, oubliant que le parterre à ses pieds ne rigole pas, mais alors pas du tout, avec la dépense publique. « Jacques Cheminade devrait a priori faire un score si faible que cela ne vaut même pas la peine qu’on s’y intéresse de près », nous glisse Bruno Arcadipane, président du Medef Grand-Est. Candidat Cheminade, éliminé!

« M. Macron, vous dites être pour le travail mais vous maintenez les 35 heures! »

Vient le tour d’Emmanuel Macron. Passer derrière la tribune pour « pitcher »? « Trop artificiel », juge le candidat d’En Marche, qui préfère s’adresser à son public sans artifice, au centre de la scène. « On parle trop peu de l’entreprise pendant cette campagne », lance-t-il, avant de dérouler son plan: cadre macroéconomique rénové et stable via une stratégie quinquennale, politique d’investissement, d’emploi et de compétences, encouragement de l’expérimentation… Un entrepreneur lui met sous le nez ce qu’il considère comme une contradiction: « vous dites être pour le travail et pour l’esprit d’entreprise, or vous maintenez les 35 heures ». « Dans trop de secteurs industriels, les supprimer créerait surtout de la désorganisation, se défend l’ancien ministre de Hollande. Je crois au dialogue social pour régler ces questions: accords d’entreprise, et, à défaut, accords-types de branche pour les TPE. » Sophie de Menthon, la présidente du mouvement Ethic, prend le micro pour bousculer un peu le candidat : « Mettrez-vous un homme de droite ou de gauche au ministère des Finances ? ». « Ce ne sont pas les hommes qui comptent, mais la politique qu’ils mènent », répond en pirouette Emmanuel Macron.

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« Macron est toujours à l’aise dans son élocution, il est charmeur, il dit les choses qu’on a envie d’entendre, reconnaît Bruno Arcadipane. Mais dès qu’on le pousse à entrer dans la sphère un peu plus opérationnelle, ce qu’il dit devient flou. » Une critique qui perdure largement dans les rangs du patronat, bien que le scrutin approche. Candidat Macron, peut mieux faire !

« On comprend que Marine Le Pen soigne son électorat, mais… »

« Merci d’applaudir… Marine Le Pen ! », clame l’animateur. La chef de file du Front National est venue avec ses fiches. Elle veut prendre le temps de bien exposer son programme, « trop souvent caricaturé », explique-t-elle. Elle n’a pas tort: le format est idéal. Chaque candidat a une heure pour s’exprimer. Bien plus que pendant les débats télévisés. Elle dévoile quelques pans de son « protectionnisme intelligent », construit notamment sur des droits de douane renforcés, mais « de manière chirurgicale, pour ne pas pénaliser certains secteurs ou entreprises ». Et surtout, elle parle sortie de l’euro.

« Ce sont les Français qui décideront au final, mais il faut avoir conscience qu’il y a seulement trois moyens d’améliorer notre compétitivité: diminuer notre protection sociale, les salaires, ou agir sur notre monnaie. Vous voyez-vous dans vos entreprises dire à vos salariés que vous allez baisser leur rémunération ? » « Marine Le Pen est de bonne volonté, estime un avocat d’affaires (qui veut garder l’anonymat) à la tête de son cabinet, au sortir de son intervention. Mais elle me semble insuffisamment préparée à diriger l’économie, peu consciente des contraintes qui se poseraient à elle si elle était élue. En tout cas, sur l’euro, il est impossible de dire qu’elle a tort. »

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En haut lieu, au Medef, on est beaucoup moins clément avec cette perspective de retour à la monnaie nationale. « On ne peut pas soutenir la sortie de l’euro sans chiffrer ses conséquences, pointe une membre du comité d’organisation de l’événement. Plus largement, son programme n’est pas crédible. Quand dit qu’elle va faire baisser les taux d’intérêt pratiqués par les banques, comment va-t-elle faire concrètement pour les y contraindre? ». Sur ce point, Marine Le Pen a été titillée et la réponse, évasive, n’est pas convaincante : « Croyez-moi, faites-moi confiance, il y a des moyens de contraindre les banques », répète-t-elle à plusieurs reprises, sans jamais évoquer ces fameux moyens.

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Autre critique entendue: son goût pour les mesures « catégorielles », axées TPE-PME, en opposition aux grands groupes. « On comprend qu’elle soigne son électorat, mais, au Medef, on aime penser les choses en écosystème global », nous explique toujours ce membre du comité organisateur ». Candidate Marine Le Pen, doit revoir sa copie !

François Fillon sur la même fréquence

Arrive François Fillon, comme un poisson dans l’eau devant un auditoire globalement acquis à sa cause. Quand le débat porte sur la formation professionnelle, le candidat de la droite fait son mea culpa. « Quand j’ai porté la réforme de 2004, je me suis félicité devant les medias d’avoir obtenu un accord unanime des syndicats. En fait, cette unanimité était juste la preuve qu’on ne corrigeait en rien les défauts du système. » Dérangeant, un candidat qui a déjà été aux manettes et n’a pas été à la hauteur ? « Dans une entreprise, on lance plusieurs produits ou services avant de trouver le bon, c’est par les erreurs qu’on apprend », nous glisse, indulgent, un membre du public.

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AFP PHOTO / ERIC PIERMONT

« Pensez-vous mettre en place des mesures incitatives pour que les entreprises investissent davantage dans le capital humain? », s’aventure la dirigeante d’un organisme de formation. « Ecoutez, ou on baisse les charges massivement, ou on fait du pilotage de l’entreprise par des niches fiscales et des politiques incitatives dans tous les sens, prévient François Fillon. Je ne suis pas pour la deuxième option. » Salve d’applaudissements. De la suppression des 35 heures au développement de l’apprentissage en passant par la suppression de l’ISF, tout est raccord avec les attentes des patrons. Candidat Fillon, travail satisfaisant.

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