« La crise c’est quand l’ancien ne parvient pas à mourir et que le neuf peine à naître ». le philosophe italien, Antonio Gramsci, avait vu juste. La crise, nous y sommes. Ce n’est plus seulement une crise économique, c’est aussi une crise morale, éthique, politique et étatique.
88 % des Français considèrent que le système démocratique fonctionne plutôt mal dans l’hexagone, pis 93 % d’entre eux jugent que les politiques n’agissent pas pour l’intérêt général. Dans le même temps, ils sont une écrasante majorité (96%) à souhaiter des élus plus souvent issus de la société civile. Voilà trois des nombreux enseignements issus de l’étude Ipsos Sopra Stéria pour l’association Lire la société publiée dans Le Monde daté du samedi 12 mars.
Preuve supplémentaire que le divorce entre les Français et leurs représentants est consumé. Preuve supplémentaire que l’émergence d’un homme ou d’une femme qui se présenterait à la présidentielle, sans être membre d’un parti politique installé et qui mettrait en avant un collectif, pourrait sans aucun doute émerger dans la bataille.
Cette volonté de sortir des errements passés, des logiques personnelles et des logiques de partis est actée. Plusieurs évènements récents actent d’ailleurs cette idée. En vrac : engouement nouveau pour l’idée de tirage au sort, montée en puissance de plusieurs mouvements citoyens iconoclastes comme les Zèbres animé par l’écrivain Alexandre Jardin. Son crédo est simple : il dit : laissez-nous faire. De même, le communicant proche de Martine Aubry, fondateur de l’Important.fr, Claude Posternak a lancé récemment « La Transition » qui regroupe plusieurs membres de la société civile pour faire émerger des solutions nouvelles « hors des partis ».
Plus largement, aux dernières élections européennes de 2014, Nouvelle Donne mouvement citoyen grimé en parti a réussi un score de plus de 3% alors même qu’il avait été créé quelques mois seulement avant le scrutin. A l’étranger, le Mouvement 5 Stelle de Beppe Grillo en Italie, ou Podemos en Espagne sont aussi des symboles de cet étouffement ressenti par l’électorat. Même Jean-Luc Mélenchon souhaitait dans un livre récent « qu’ils s’en aillent tous ».
Dans une moindre mesure, la popularité d’Emmanuel Macron vient montrer à quel point les Français sont las des anciennes formes d’engagement politique. Le ministre de l’économie profite de son personnage hors du PS, mais aussi de son aspect nouveau et neuf dans le marigot politicien. Ces nouvelles formes d’action politiques viennent s’ajouter au mouvement « #Onvautmieuxqueça » des Youtubeurs contre la loi Travail et au million de pétitionnaires de la plateforme Change.org contre ce projet gouvernemental.
A l’heure de la multitude, et de la culture de l’horizontalité, le choc est immense avec la culture monarchique verticale de la Vème République. Cette République au sein de laquelle le collectif donne mandat, une fois tous les 5 ans, à un homme pour qu’il résolve tous les problèmes de la nation. Cette république où finalement l’unité du pouvoir n’appartient qu’à une seule personne : le Président.
Évidemment, les partis sont toujours actuellement les outils de la conquête du pouvoir mais jamais l’émergence d’un autre type de personnalité n’a été autant possible.
Alors évidemment, la question suivante est : qui ?
Monsieur X
En novembre 1963, deux ans avant l’élection présidentielle de 1965, L’Express avait lancé la fameuse campagne de soutien à Monsieur X. Pendant plusieurs mois, le journal avait soutenue des valeurs, des idées à l’opposé de celles défendues par le général de Gaulle. Alors que la guerre d’Algérie vient de se terminer et que la France vit un entre-deux, l’idée est de faire émerger une nouvelle forme de politique. Au final, les idées étaient placées avant l’homme qui était sensé les porter, en l’occurrence : Gaston Deferre. A l’heure où ces lignes sont écrites, un homme ou une femme, que l’on ne connaît pas encore peut émerger. Sur des idées, grâce à la démocratie numérique. Ce serait inédit, mais jamais les conditions ont été aussi propices.
Ensuite, trois autres personnalités – ayant déjà des engagements politiques affirmés mais décalés – pourraient bien sortir du bois durant cette campagne et rencontrer.
Alexandre Jardin
L’écrivain est certainement le plus improbable de cette liste. Mais son mouvement Les Zèbres est déjà fortement constitué et manie très bien les possibilités offertes par le numérique.
Si l’objectif est plutôt de mettre en valeur les initiatives positives de la population française, pourquoi ne pas imaginer que Jardin décide d’aller plus loin ?
Nicolas Hulot
C’est évidemment le nom le plus attendu. A chaque période présidentielle le nom de l’ancien présentateur d’Ushuaïa revient inévitablement. Echaudé par sa cuisante défaite contre Eva Joly lors de la primaire écolo en 2011, Hulot dit qu’il n’ira pas à la primaire de la gauche en passe de s’organiser. Soit.
Hulot a cependant tous les atouts pour être cette personnalité différente, à la marge des partis traditionnels, qui créerait la surprise durant une présidentielle.
Son handicap est toutefois de taille : il n’aime pas vraiment faire campagne, et l’arlésienne Hulot est telle qu’il ne serait pas tant surprenant que cela de le voir seulement faire de l’agitprop durant la campagne.
Pierre Larrouturou
Inattendu et pourtant crédible. Pierre Larrouturou, économiste, proche de Michel Rocard et de Stéphane Hessel, agitateur d’idées depuis plus de 20 ans, pourrait bien être la personnalité de la campagne qui s’annonce. Pour au moins trois raisons : il était l’un des seuls à avoir prévu la crise financière de 2008, et à avoir annoncé l’effondrement de l’économie chinoise. De plus, Larrouturou fourmille d’idées pour résoudre la crise et changer de façon d’envisager notre rapport à la croissance. De plus, deuxième atout, Larrouturou a crée Nouvelle Donne, en a fait un mouvement nouveau, fort de diverses expériences et horizons et a atteint contre toute attente les 3% aux Européennes de 2014 après quelques mois d’existence seulement.
Mieux, Nouvelle Donne compte quelque 8000 adhérents et est présent aux comité d’organisation de la primaire de la gauche. De quoi se mettre en branle si Larrouturou décide d’y aller. Enfin, Larrouturou est nouveau sans être inexpérimenté. Il sait parler devant une caméra, faire monter l’enthousiasme dans une salle et connaît bien les arcanes du pouvoir.
La dernière inconnue ? Le système actuel laissera-t-il une personnalité nouvelle sortir du lot ? Rien est moins sûr. Et pourtant la population, elle, y est prête.