Cependant que le roi feint s’éjouir des festivités organisées en son honneur sous les cocotiers, le comte Le Foll écume de rage. Songez donc: des gueux, des sans dents, des péquenauds se sont pris d’envahir sa gentilhommière de la Sarthe!
Gâtant son souper sans vergogne aucune, ces manants, ces croquants, ces jacques, saisis par le démon de la révolte, criant leur misère et leur famine, ont osé pénétrer en la demeure du ministre des Labours et du Bétail à des fins de lui signifier leur exaspération et d’exiger, céans, que le comte mÎt un terme à leur désespoir autrement qu’en leur faisant l’aumône.
Le comte n’était point à danser, ni même à banqueter: un souper en famille, rien de bien coruscant, tout au contraire de l’étiquette. Le comte lui-même était vêtu de fort simple façon, très gentleman farmer au coin du feu, lorsque soudain ces moujiks gagnés par le Diable firent irruption, bravant toute bienséance, criant, vitupérant, brandissant fourches et banderoles, tout à conspuer le comte, promettant ficher sa tête et sa crinière au bout d’une pique.
Leurs trognes sur les réseaux sociaux
Le comte Le Foll, pris au dépourvu, songea à faire donner le bâton à ces rustauds puis se ravisa, craignant que les blessés saisissent l’opportunité de montrer leurs trognes sur les réseaux sociaux à des fins de faire pleurer en les chaumières.
Le comte se rappela furtivement qu’il était de gauche et que sa doxa lui commandait de s’en aller prodiguer quelques bonnes paroles à ces gueux qui menaçaient transformer son jardin à la française en jungle calaisienne.
L’échange fut tendu: le ministre était de fort méchante humeur. Selon les gazettes, il se montra même piqué au vif, lassé d’être interpellé à propos des prix du lait et des cours du cochon qui ne vaut plus tripette.
L’épisode fit sourire à la Cour où les langues acérées ne manquent jamais railler de fort venimeuse façon l’arrogance du comte, jamais à la peine pour administrer leçons et remontrances.
Ainsi donc, cependant que le roi se prenait de faire le beau en les îles les plus lointaines du royaume, les préceptes d’une stricte observance étaient rigoureusement observés: le chat parti, les souris dansèrent.
L’archiduchesse Marie-Ségolène, fumasse d’avoir été évincée des Affaires du dehors, pourtant promises par le roi, se chamaillait avec sa nouvelle de Turc, le comte Ayrault, à propos de Notre Dame des Landes. Pas démonté pour un sol, le comte, tout frais ministre, se prenait tout ingénument de célébrer la bonté et le courage de la reine de Prusse à propos des migrants: le professeur de tudesque s’était-il déjà trompé d’oriflamme?
Chouchou déchu
En quittant notre royaume pour s’en aller, en grande ambassade, visiter les îles du Pacifique, le roi n’avait point manqué à sa liturgie, laissant ainsi ses gens se déchirer à propos de la réforme du travail portée par la fraîche baronne de Commeries, l’ennemie jurée du jeune Macron à qui la baronne souffle à présent les faveurs du roi tout ainsi que du Catalan. Soutenue par le Grand chambellan, la petite baronne aux yeux de braise détricote à toute berzingue les projets du chouchou déchu: boudeur, il se tient reclus en sa forteresse de Bercy, délaissant même Monsieur de Monbeausapin à qui il aimait tant écraser les arpions durant les Conseils d’en haut.
Et le roi, que fait-il, à quoi s’occupe-t-il? A-t-il seulement revêtu le pagne traditionnel que les indigènes offrent aux hôtes de marque?
Echaudé par le burlesque épisode de son voyage kazakhe durant lequel son pote Noursultan, le roi des steppes, lui offrit manteau et toque de soie gansés de vison miel, le Flou s’est gardé cette fois de paraitre la taille ceinte d’une sorte de jupon tressé de feuilles: l’on aurait juré le bonhomme Cetelem.
Au plus a-t-il consenti que d’accortes vestales locales lui passent un collier de fleurs, selon une coutume qui avait laissé Monsieur de Bougainville au bord de l’épectase.
Croit-on seulement à la Cour que le roi s’adonne aux plaisirs et à la luxure de ces îles enchanteresses, à la manière de Monsieur de Gauguin qui, fuyant ses créanciers, désirait y vivre d’extase, de calme et d’art?
Cochons mi-cuits et Kava
Point. Bernique. Le Flou paie de sa personne, s’appuie force banquets où l’on sert des cochons mi-cuits ensevelis sous des nattes, selon les dires de l’envoyé d’une gazette de renom qui rapporte encore que l’étiquette locale commande que l’on serve au roi le plus dodu de ces cochons, lors de ces KaÏ-kaï, ces grandioses barbecues traditionnels. La vie du roi serait-elle vie de chien? La Cour s’est encore prise de glousser lorsqu’elle apprit que le Flou, sacrifiant aux us et coutumes locales, se vit contraint d’honorer ses exotiques sujets en buvant du Kava, une sorte de brouet fait de racines et de branches de poivrier broyées. Le roi fit la grimace, songeant in petto qu’un tel nectar aurait transporté la Mère Duflot. « Quel dommage, soupire notre ami Artois: ces indigènes auraient du lui servir un bouillon de onze heures. Le Flou n’y aurait vu que feu: le goût en est le même.