Monsieur. Il nous faut cesser de vous railler à l’envi. A présent, votre courage, votre audace, votre fougue nous laissent ébaubie d’admiration!
Vous en aller, seul, désarmé, vous produire chez Monsieur de Ruquier, tel Daniel dans la fosse aux lions, voici qui vient conforter votre stature de héros, « même pas peur, même pas mal, qui z’y viennent! ».
Avez-vous seulement songé, Monsieur, tout à votre mâle impétuosité, à consulter vos imagiers, maîtres à penser et sparring partners? Votre réputation plaide en faveur d’une préparation vétilleuse de votre apparition : les snipers de Monsieur de Ruquier, vous guettent, prêts à vous larder, vous étriller, vous canarder, vous dézinguer. Monsieur de Surmoix et Madame de Salamèche n’ont rien laissé au hasard.
Plus sérieusement, Monsieur, vos imagiers ont-ils seulement songé, tout affairés qu’ils sont à mitonner leur tambouille d’éléments de langage, ont-ils seulement songé à la tenue qu’il vous faudra arborer pour vous livrer au rite du sacrifice humain qu’impose la liturgie de Monsieur de Ruquier?
Craignant qu’ils aient oublié, ces étourneaux, de vous vêtir ainsi qu’il sied de paraître dans la posture du condamné, nous avons pris la licence, Monsieur, de vous faire quelques suggestions du meilleur aloi.
Marcel ensanglanté
En choisissant la simplicité, nous avons jeté notre dévolu sur le marcel ensanglanté de Bruce Willis. Il est un peu ample, mais il soulignera votre silhouette gracile d’un effet drapé des plus seyants, et laissera saillir vos côtes à la manière d’un coolie dûment bastonné par un seigneur de la guerre.
Un peu convenu, trop déjà-vu? Dans cet esprit, vous pourriez encore, Monsieur, passer la chemise trempée de sueur que vous portiez aux Universités d’été, et ainsi chanter « Mouiller la, mouiller la chemise »…
Nous avons également retenu une proposition de Monsieur de Macron, ce traître de boulevard, qui nous a suggéré un look très minimaliste, une sorte de pagne, façon Spartacus dans « Le sang des gladiateurs ».
Nous l’avons jugée peut-être un peu trop « mec », trop « Monsieur Malabar », trop ciré pour être honnête.
Vous serez livré enchaîné aux assesseurs de Frère Ruquier, le Grand inquisiteur.
Au choix, ils vous ont proposé deux formules. La première commande de vous couvrir de braises jusques à ce que vous avouiez que vous êtes un renégat, un apostat, que vous trahi la gauche et que vous avez embrassé la cause vénéneuse de la social-démocratie libérale.
La seconde formule est à la carte: elle est inspirée des tribunaux populaires chers à l’empereur Mao Zedong. Elle vous permet de choisir d’être traité de vipère lubrique, un chef d’accusation jadis très tendance, qui vous épargnera le châtiment suprême à condition que votre autocritique soit tricotée au point de croix.
Inutile de vous défendre: votre procès est ficelé d’avance.
A Cayenne!
Votre condamnation est sur toutes les lèvres: vous serez relégué à Cayenne, chez la baronne Taubira, cette grande prêtresse vaudoue qui terrorise le roi lorsqu’elle se prend de confectionner ses maléfiques poupées. Mais avant cette relégation, vous serez contraint de descendre une fois encore dans la fosse aux lions pour remplacer la terrible baronne qui a pris grand soin de condamner la déchéance de nationalité, un édit qui aura fait jaser pour n’aboutir en rien.
Un dernier conseil, Monsieur, au risque de vous importuner: gardez-vous de passer le slip connecté que le jeune Macron vous a offert: il vous conduira à coup sûr vers l’Enfer.
En dépit de ces pièges et de ces vilénies, Monsieur, vous triompherez de cette épreuve initiatique. Après vous-même, d’autres membres de la Cour se presseront pour se faire charcuter par Monsieur de Ruquier.
Charcuter? Ne craignez rien, Monsieur le Grand chambellan: les féaux du taulier feront patte de velours, leurs sabres seront de bois et leurs escopettes bourrées de guimauve.
Vous gagnerez, Monsieur, les doigts dans le nez. Et à la barbe du roi qui éprouve tant de peine à dissuader Monsieur de Gantzer de le mener sur ce plateau.
Vous serez bichonné, poulotté, dorloté: nulle impertinence ne viendra assombrir votre étincelante apparition.
Voeux de pharaon
Vous questionnera-t-on seulement sur le montant pharaonique de vos cartes de voeux? Une impertinente gazette satirique a révélé que vous aviez cramé quelques trente six mille écus pour souhaiter la bonne année!
Diantre, Monsieur, vous vous entendez pour faire valser la thune!
Ainsi que le mande cette vieille canaille d’Artois, notre ami:
– On n’est peut-être pas couché, mais nous voici fauchés!