Manuel Valls a reçu ce matin les principales organisations représentatives des lycéens et des étudiants. Ils n’ont pas caché leur déception à l’issue de cette rencontre, réaffirmant leur volonté de poursuivre leur mouvement. L’issue ne pouvait être différente.
Ils ont finalement bien été reçus par Manuel Valls et Myriam El Khomri. Ce vendredi matin, les principales organisations représentatives des lycéens et des étudiants ont été invités à dialoguer à Matignon pour débattre du contenu de la réforme du code du travail. La contestation autour de ce texte, d’abord essentiellement portée sur Internet, a pris une nouvelle forme mercredi lorsqu’elle s’est retrouvée dans la rue.
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Mais alors que les positions des syndicats de salariés sont désormais claires, difficile de savoir ce qui a réellement poussé cette jeunesse à manifester. Leurs revendications sont finalement peu relayées. L’Express les a contactés après leur rendez-vous pour tenter d’en savoir plus.
Nouveau coup de pression
Tous les syndicats contactés par L’Express ont bien l’intention de se servir de la manifestation de mercredi pour faire entendre leur voix. Au total, ils étaient entre 240 000 et 500 000 ce jour-là à battre le pavé pour réclamer le retrait du texte. « Un demi-million de personnes, ce n’est pas rien, se félicite Zoïa Guschlbauer, présidente de la Fidl, un syndicat lycéen.
La fronde gronde de plus en plus dans les établissements. » Elle se dit « plus que mécontente » après l’entretien qui a eu lieu dans la matinée. « Manuel Valls a tenu un discours paternaliste, en essayant de nous expliquer par A+B que cette loi n’était pas néfaste à la jeunesse. Mais nous connaissons notre sujet. Nous savons pourquoi ce texte précarise les jeunes, les salariés. »
Cette déception est partagée par l’ensemble des représentants reçus à Matignon. Naïm Schili, vice-président de l’Union nationale lycéenne, estime lui aussi ne pas avoir obtenu d’avancées. La quasi-totalité des syndicats appelle à renforcer la mobilisation dès le 17 mars, une semaine avant que le projet de loi ne soit présenté.
« Contradiction avec ce dont les jeunes ont besoin »
En s’attardant sur leur discours, il est évident que les revendications étudiantes dépassent sensiblement la question du code du Travail. La loi El Khomri est un point d’appui, une étincelle qu’ils espèrent suffisamment vive pour allumer la mèche. « L’esprit de ce texte est en totale contradiction avec ce dont les jeunes ont besoin, poursuit la présidente de la Fidl. Il s’agit de défendre une idée simple: oui je fais des études, et oui je veux travailler dans de bonnes conditions. »
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« François Hollande disait vouloir faire de la jeunesse une priorité. Le sujet aujourd’hui, c’est comment avoir une éducation de qualité, avec quels moyens. De plus en plus de jeunes quittent le système éducatif sans le moindre diplôme, dénonce Naïm Schili. 80% des jeunes travailleurs exercent un emploi précaire. Avec Manuel Valls, nous sommes au moins tombés d’accord sur un constat, c’est qu’il faut faire quelque chose pour la jeunesse. » Reste à s’entendre sur la méthode, ce qui est loin d’être gagné.
La Fage, le réformisme étudiant
A l’issue de son entretien, le Premier ministre a promis de « corriger, rectifier, changer ce qui doit l’être, lever les ambiguïtés et répondre aux interrogations qui se sont fait jour ». Ce message, au mieux, n’a trouvé écho qu’aux oreilles d’Alexandre Leroy, président de la Fage. Ce syndicat étudiant dénote quelque peu avec ses camarades, préférant poursuivre les discussions. « Une grande partie de la jeunesse aspire à dialoguer autrement, on est allé au fond des choses ce matin. La loi El Khomri n’est pas acceptable en l’état. Il faut revenir sur les indemnités prud’homales, les licenciements économiques, le temps de travail aux apprentis, et sur le pouvoir conféré aux chefs d’entreprises pour échapper aux 35 heures. »
S’il n’apprécie pas trop que l’on fasse le parallèle entre la Fage et la CFDT, difficile d’y échapper. Pendant que ses camarades réclament un retrait encore illusoire en l’état, le mouvement d’Alexandre Leroy est aujourd’hui le seul syndicat à reconnaître des « points positifs » dans la loi El Khomri. « Le compte personnel d’activité peut devenir l’outil de protection sociale du XXIe siècle. Il faut pour cela aller plus loin dans les droits qui y sont attachés, et c’était la teneur de notre discours aujourd’hui. » Il va même jusqu’à citer la création du droit à la déconnexion. Mais il prévient: « Si l’on s’aperçoit lundi [jour des annonces des modifications apportées au texte, NDLR] que c’est rentré d’une oreille pour sortir de l’autre, alors nous nous joindrons au mouvement du 17 mars. » La mobilisation étudiante serait alors unitaire.