Jeudi, la ministre des Outre-mer a présenté des excuses officielles de l’Etat français envers la Guyane. Un évènement rare soulignent plusieurs historiens contactés par L’Express. A ce jour de nombreuses demandes existents -essais nucléaires dans le Pacifique, rafle du Vel d’Hiv, Algérie- sans avoir obtenu gain de cause.
L’événement est assez rare pour être souligné. Jeudi, depuis le balcon de la préfecture de Guyane, la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts, mégaphone à la main, a présenté « toutes [ses] excuses au peuple guyanais » pour des années de sous-investissement de la part de Paris.
Des excuses franches alors que le département connait depuis une dizaine de jours un conflit social d’ampleur, et que démarrent ce vendredi des négociations entre l’Etat et les collectifs de grévistes.
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Contactés par L’Express, plusieurs historiens soulignent la rareté de l’événement, sans toutefois se lancer dans des analyses alambiquées. « Les excuses formulées au nom d’un gouvernement sont assez rares et, en principe, un gouvernement s’excuse longtemps après les faits », explique sobrement l’historien Christian Delporte.
L’histoire politique française est émaillée de nombreux sujets sur lesquels des demandes d’excuses existent et sont quasiment toutes restées sans réponse, que ce soit en matière de politique intérieure ou internationale.
L’Algérie et la colonisation
Le sujet délicat de la colonisation française en Algérie est sans doute le plus emblématique et, jusque-là, aucun chef d’Etat ne s’est aventuré à présenter des excuses au pays, 55 ans après son indépendance. Et ce, malgré une volonté ancrée chez plus d’un Français sur deux qui, selon un sondage Ifop publié en octobre 2016, souhaiterait que le gouvernement français présente des excuses officielles concernant les exactions commises par la France.
En 2007, Nicolas Sarkozy avait amorcé le processus, en dénonçant le système colonial, « profondément injuste » selon ses termes, mais sans aller jusqu’à présenter les excuses réclamées par une partie des dirigeants algériens. Cinq ans plus tard, son successeur François Hollande, marchait dans ses pas et avait reconnu, lors d’un déplacement à Alger, « les souffrances que la colonisation a infligée au peuple algérien ». Une reconnaissance, oui, des excuses, non. « Je viens dire ce qu’est la vérité, ce qu’est l’histoire […]. [Je ne suis pas venu] faire repentance ou excuses ».
Mururora, la rafle du Vel d’Hiv’…
Là aussi, le sujet est sensible. Et les excuses inexistantes. Depuis des décennies, une partie de la population de Polynésie, où se sont déroulés quelque 190 essais nucléaires entre 1966 et 1996, attend réparations et excuses. Si le premier volet a été revalorisé par François Hollande en février 2016, lors d’un déplacement dans l’archipel du Pacifique, il n’a, comme ses prédécesseurs, formulé aucune excuse, reconnaissant toutefois « l’impact environnemental » et les « conséquences sanitaires » des essais nucléaires.
Concernant la rafle du Vel d’Hiv, au cours de laquelle plusieurs milliers de Juifs ont été arrêtés puis déportés dans la nuit du 16 au 17 juillet 1942, François Hollande a, peu après son élection en juillet 2012, marché dans les pas de Jacques Chirac. Et a reconnu, lui aussi, la responsabilité de la France et de l’Etat français: « [C’est un] crime commis en France par la France ». Responsabilité, mais pas excuses formelles donc.
Les excuses d’Ericka Bareigts sont vues d’un bon oeil par le chef de l’Etat, à en croire son entourage contacté par L’Express, qui explique que la ministre des Outre-mer est « responsable » de son champ d’action. « Elle a eu raison de le faire [au vu] des retards pris par nos prédécesseurs en matière de développement en Guyane », explique-t-on à L’Express. Des excuses qui constituent un premier pas pour débloquer la situation sur place. Mais le chemin est encore long.
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