Le Penelopegate a mis en lumière l’opacité qui entoure le travail des parlementaires. Des voix s’élèvent pour modifier les règles encadrant l’activité des élus.
La proposition est passée inaperçue. Lors de sa conférence de presse, François Fillon s’est prononcé lundi pour la création d’un « statut de l’élu » qui encadrerait l’exercice du mandat. Épinglé pour avoir employé sa femme et deux de ses enfants comme attachés parlementaires, l’ancien Premier ministre se place désormais à l’avant-garde du combat pour la transparence.
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François Fillon n’a pas précisé ce que contiendrait cette hypothétique réforme. « Il fera des propositions pendant la campagne présidentielle », indique son porte-parole Thierry Solère. Manque de transparence et faiblesse des moyens: le système français pâtit pourtant de ce paradoxe. Interrogés par L’Express, des parlementaires ciblent trois axes de réforme.
Faut-il supprimer l’indemnité de frais de mandat?
IRFM. Quatre lettres nimbées de mystère. L’indemnité représentative de frais de mandat permet à un parlementaire de régler ses « frais professionnels », comme le loyer d’une permanence ou des fournitures. Non soumise à l’impôt sur le revenu, elle s’élève à 6000 euros mensuels pour les sénateurs et 5800 euros pour les députés.
Problème, un vide juridique l’entoure. En théorie, elle ne doit pas servir à financer une campagne électorale ou à acquérir un bien immobilier. En pratique, l’opacité règne. « Il n’y a absolument aucun contrôle », s’agace le député UDI Charles de Courson. « Quand je suis arrivé à l’Assemblée nationale, on m’a juste dit qu’elle serait versée sur un compte bancaire dédié. Est-ce mon argent ou non? Je n’ai pas obtenu de réponse », abonde un député LR.
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En l’absence de contrôle, certains confondent cette indemnité avec un complément de revenu. « Une collègue m’a un jour confié qu’elle achetait ses vêtements avec l’IRFM, quand un autre m’a carrément dit qu’il la mettait dans sa poche », poursuit Charles de Courson. Le député UDI prône une réforme radicale. « Il faudrait définir cette notion de frais professionnels, avance-t-il. Les parlementaires seraient alors tenus d’avancer ces frais, qui leurs seraient remboursés sur présentation de factures. »
L’idée: aligner le fonctionnement du Parlement sur celui des entreprises privées. Porte-parole du groupe PS à l’Assemblée nationale, Olivier Faure est plus réservé. « Cela poserait des problèmes de trésorerie à de nombreux députés », avance le député de Seine-et-Marne, qui prône un meilleur « contrôle » de l’IRFM. Spécialiste des dépenses de l’Etat, le député socialiste de l’Aisne René Dosière abonde: « ce système de factures serait coûteux à mettre en place. En Angleterre, cela mobilise une cinquantaine de personnes. »
Un encadrement du métier d’attaché parlementaire?
Le Penelopegate a jeté une lumière crue sur l’opacité du métier d’attaché parlementaire. La nature de leurs tâches n’est pas définie. Le contrôle, inexistant. « Le parlementaire décide seul du rôle de chaque assistant, explique René Dosière. Il y autant de manière d’être assistant que de députés. » Le député appelle à une « définition de ce travail » par le biais de conventions collectives.
Pendant longtemps, cette option était impossible. Mais les choses changent. En 2016, l’association des députés employeurs a été créée. Elle rassemble près de 400 parlementaires, désormais habilités à ouvrir des négociations sociales avec les organisations de collaborateurs.
De quoi encadrer un métier aujourd’hui hors du droit. « Il faudrait poser des conditions de diplôme et mettre en place une grille salariale, insiste Charles de Courson. Aujourd’hui, un assistant peut percevoir toute l’enveloppe allouée au parlementaire. » Le député plaide également pour la création de fiches de poste et l’interdiction d’embaucher un membre de sa famille. Objectif: border le recrutement des assistants et se prémunir contre toute embauche de complaisance.
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Pour ces députés, cet exercice de transparence devrait s’accompagner d’une augmentation des moyens alloués aux collaborateurs. « Les Français sont beaucoup moins bien traités que leurs homologues Anglais ou Allemands », rappelle Réné Dosière. Au Parlement européen, l’enveloppe des assistants avoisine les 21 000 euros par mois, contre 9561 euros à l’Assemblée nationale.
« Ce n’est pas suffisant. J’aimerais pouvoir embaucher un ou deux collaborateurs ou mieux les rémunérer », ajoute René Dosière, peu suspect de vouloir gaspiller l’argent public. L’entrée en vigueur de la loi sur le non-cumul des mandats va en outre bouleverser le quotidien de certains députés. « Certains cumulards s’appuient aujourd’hui sur leurs équipes locales dans leur travail parlementaire, glisse un député LR. Ce ne sera plus possible en juin 2017. »
Des parlementaires moins nombreux… et mieux payés?
« L’augmentation des moyens de fonctionnement du Parlement risque d’être assez peu populaire […], il convient donc de la lier à une réduction significative des effectifs ». L’analyse est signée… François Fillon, dans son livre La France peut supporter la vérité, publié en 2006.
Le candidat à l’élection présidentielle propose un référendum pour diminuer le nombre de parlementaires. Pour Charles de Courson, les économies réalisées devraient être « en partie redéployés » à une hausse de la rémunération des parlementaires, fixée à 5000 euros. Objectif: diversifier les profils de députés, qui sont surtout des fonctionnaires ou des professions libérales. « Si le salaire est trop faible, on risque de réserver le Parlement à des rentiers, confirme un député LR. Mais l’acceptation démocratique de cette mesure serait compliqué dans le contexte actuel. »
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Baisser le nombre de parlementaires? La mesure ne figure pas dans le projet de Benoît Hamon. Elle serait même contre-productive, juge Olivier Faure. « Avec le non-cumul des mandats, les parlementaires vont perde en ancrage local. Si on réduit le nombre de députés, les circonscriptions seront mécaniquement plus grandes et les parlementaires seront encore plus présents sur leurs territoires. On risque d’avoir un Parlement fantôme. »
Quant à la hausse de la rémunération des parlementaires, le porte-parole du groupe PS la balaie d’un revers de main. « Elle est suffisante. Ce n’est pas cela qui va amener à la politique les classes moyennes et populaires et enlever le sentiment que c’est un milieu fermé. »