Le Conseil constitutionnel veut stopper la cavalerie législative

By | février 3, 2017

cavaleriewaterlooLa décision du Conseil constitutionnel sur la loi « égalité et citoyenneté« , publiée le 26 janvier dernier, restera sans doute dans les annales.

On retiendra notamment le nombre de « cavaliers législatifs » : pas moins de 36 articles censurés, sur une loi qui en contenait 224… un véritable charcutage ! Les cavaliers législatifs, rappelons-le, sont des dispositions introduites par amendement en cours de route mais qui n’ont pas de lien avec le texte de départ.

Parfois, ils sont introduits sciemment… mais lorsque le Conseil constitutionnel est saisi, les parlementaires savent désormais qu’il ne laissera rien passer. Car la sévérité du Conseil a radicalement augmenté ces dernières années.

La dernière étude du Conseil constitutionnel sur le droit d’amendement remonte – sauf erreur – à 2007. Elle nous rappelle que c’est en 1985 qu’il a commencé à vérifier que les amendements n’étaient pas dépourvus de tout lien avec le texte initial. Les premiers signes de l’allergie du juge constitutionnel aux cavaliers remontent réellement aux années 2000, avec une aggravation notable dans les années 2010.

En 2006, 5 cavaliers avaient été censurés sur toute l’année (oui, cinq !). En 2016, ce chiffre se compte en dizaines, voire en centaines. A l’été 2015, nous avions relevé de grosses victimes : la loi Macron (17 cavaliers censurés sur 308 articles) et la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne (26 sur 39 !). La loi égalité et citoyenneté s’inscrit dans cette lignée.

Cette évolution est très paradoxale : au moment où le vent tournait, la réforme constitutionnelle de 2008 a tenté d’atténuer les choses avec deux petits mots ajoutés à l’article 45. Le lien d’un amendement avec le texte initial doit exister, d’accord, mais il peut être « indirect« .

Un peu comme s’il voulait se venger, le Conseil constitutionnel n’a pas infléchi sa position… au contraire, comme nous l’avons vu. Il est devenu inflexible, même sur les liens indirects. Rappelons également que, contrairement aux dispositions de fond, il se saisit d’office des cavaliers législatifs. Ainsi, sur la loi égalité et citoyenneté, les parlementaires Les Républicains auteurs de la saisine avaient pointé 7 cavaliers législatifs. Les 29 autres ont été repérés par le Conseil en fouillant le reste du texte.

On pourrait alors se demander : pourquoi les parlementaires ne font-ils pas plus attention ? Les choses peuvent déraper, mais dans les débats, le risque de cavalier est désormais intégré et de plus en plus souvent opposé à l’auteur d’un amendement (et parfois, cela arrange bien le rapporteur ou le gouvernement – par exemple ici).

Il n’empêche que la notion de lien direct et indirect reste difficile à appréhender, et le Conseil constitutionnel serait bien inspiré de mieux la définir.

PS : je m’autorise un cavalier rédactionnel dans cet article, pour souhaiter la bienvenue à Paul Josse, qui va rejoindre le blog !