Manuel Valls lui en a fait le reproche: la vision « permissive » de la laïcité que défend Benoît Hamon n’est pas du goût de tous, à gauche. Et, à la veille du deuxième tour de la primaire, ce collectif de personnalités et de présidents d’associations l’écrit crument.
Dans le cadre de la campagne présidentielle, L’Express donne régulièrement la parole à des personnalités qui le souhaitent et affichent ici leur engagement, et les raisons de cet engagement, en faveur de l’un ou l’autre des candidats. Ce collectif de personnalité(e)s et président(e)s d’associations emmené par Laurence Marchand-Taillade, présidente de l’Observatoire de la laïcité du Val-d’Oise, reproche à Benoît Hamon son ambiguïté sur la question de la laïcité.
Les primaires de la gauche amènent à s’interroger sur les principes fondamentaux de la République et la façon dont ils sont portés, dans les projets de chacun. Le quatuor de principes fondateurs depuis plusieurs décennies est clair: Liberté-Egalité-Fraternité et Laïcité. C’est loin d’être évident pour tout le monde.
Une laïcité « sans excès »
Monsieur Hamon, depuis plusieurs années, revient subrepticement sur ce dernier principe, en même temps qu’il rogne lentement sur l’Egalité, qu’il « défend » en paroles lors d’interviews et relativise lorsque confronté à la réalité de faits.
Dénonçant « cette laïcité utilisée comme un glaive contre une seule religion », il revendique une laïcité « sans excès » dont la « la diversité est une richesse ».
Lors de son passage éclair au ministère de l’éducation – 147 jours – il réussit à détricoter les « ABCD de l’égalité à l’école », ouvrit grand les portes du ministère aux revendications des mères voilées, s’agissant des sorties scolaires. Il s’est aussi prononcé pour le port du voile à l’université, lieu d’éducation publique.
Benoît Hamon, toujours en 147 jours, a réussi le tour de force de renier les engagements pris par son prédécesseur, Vincent Peillon, qui avait engagé, outre la rédaction de la charte de la laïcité à l’école, la création d’un enseignement de morale laïque. Arrivant même jusqu’à rayer ou presque le terme laïque de l’exposé des sept grands principes que comprenait ce nouveau programme.
« Historiquement, dans les cafés ouvriers, il n’y avait pas de femmes »
Plus récemment, à la suite de la diffusion du reportage de France2, suivant Nadia Remadna, et sa Brigade Des Mères, dans un café à Sevran, dont on lui a refusé l’accès, il minimise l’événement, jugeant qu' »historiquement, dans les cafés ouvriers, il n’y avait pas de femmes ». Il poursuit en déclarant qu’il ne faut pas « créer des guerres tout le temps. Oui il y a des problèmes, mais ce n’est pas en jetant l’opprobre systématiquement qu’on arrivera à les résoudre »… Relativisant, ainsi, ce manque évident de considération de l’Egalité des individus, au-delà du sexe, il omet toute portée religieuse au profit d’une seule pseudo explication sociale. Lui si prompt à défendre en meeting, en discours, l’Egalité salariale hommes-femmes…
Enfin, sa déclaration: « moi, j’assume bien ces passerelles » avec le candidat du Front de Gauche va-t-elle jusqu’à soutenir l’utilisation de la bourse du travail de Saint-Denis pour des meetings « contre l’islamophobie » où des élus d’une gauche dévoyée – membres actifs du Front de Gauche, dont le mouvement Ensemble, de Clémentine Autain – Signent l’appel à participer à des réunions publiques invitant Tariq Ramadan aux côtés du P.I.R. (Parti des Indigènes de la République) et du CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France)? Organisations qui prétendent dénoncer un racisme d’Etat, organisent des camps décoloniaux interdits aux « blancs » et cherchent à faire taire les laïques à coup d’accusations d’islamophobies ou en les harcelant devant les tribunaux ?
Non, Monsieur Hamon ne donne pas assez de gages concernant la laïcité, et plus largement l’égalité entre les sexes. Ses positions politiques, et réactions en interview durant ce quinquennat, sont bien plus de coups de canif dans le contrat républicain qu’il n’en faut. Benoît Hamon n’est pas laïque!
Les signataires de cette tribune: Yvette Roudy, Première Ministre des Droits des femmes, Samuel Mayol, Universitaire, Prix National de la Laïcité 2015, Laurence Marchand-Taillade, présidente de Forces Laïques, essayiste, Maudy Piot, présidente de l’association « Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir », Laurent Poulain, président de « Laïcité 30 », Annie Sugier, Présidente de la Ligue du Droit International des Femmes, Philippe Bapt, éditorialiste politique, Alain Piot, sociologue, auteur de La diabolisation de la femme, L’Harmattan, Geneviève Couraud, féministe, Nicole Raffin, militante féministe laïque