Ces derniers jours, l’on a mandé bien des âneries sur l’avenir de notre futur ancien roi. Nous sommes en mesure de révéler la vérité toute nue. A commencer par le lieu de sa villégiature prochaine.
Connaissez-vous l’île de Tromelin? Ce caillou, assez ingrat, fit tout récemment l’objet d’une entourloupe à la Chambre basse à propos d’un traité que le roi de France, notre Flou, se devait de promptement ratifier.
Il n’en fut rien.
Pour une étrange raison, le sort de cette île, balayée par de doux alizés, fut également balayé de l’ordre du jour.
Sur ordre du roi.
Les parlementaires, frustrés d’un débat si coruscant, s’en émurent. Rien n’y fit: pour une fois, le roi demeura de marbre. « Touche pas à mon atoll ».
Par tous les Saints, cette île mystérieuse, inconnue de nos commensaux, cèlerait-elle de tels trésors qu’il se fallut de l’abriter de l’avidité des orpailleurs?
Point. Située non loin de l’île de France, jadis habitée par des esclaves oubliés après l’échouement de leur galère, Tromelin est aussi vaste qu’une robe de baptême, aussi riante qu’un loto en maison de retraite.
Serait-ce là destination digne d’un dessein royal?
Le roi se prendrait-il d’en faire un Sigmaringen tropical?
Nous avons souhaité en savoir davantage, et sollicitâmes une entrevue avec Monsieur de Jouyet, présenté comme l’architecte de ce projet à la vérité assez extravagant.
Coincé comme porte vermoulue, il se montra fort peu disert et feignit tout ignorer de cette entreprise. Mais il fut plus loquace lorsque nous évoquâmes le projet de fondation sociale que le futur ancien roi, fort de son expérience et bardé de son incommensurable habileté politique, serait appelé à présider après son départ du Château, aux prochains lilas.
Nous insistâmes, au prix d’une certaine inélégance. Monsieur de Jouyet, se fit impatient, daignant à peine évoquer le chimérique dessein du Flou de succéder à ce Monsieur Tusk, présentement vice-roi d’Europe, une bien honorifique charge, cependant très appétissante.
La Cour fit ses choux gras de ce fagot de haute volée, éventé par une gazette de renom: l’affaire enfiévra les esprits au point de faire passer les pitoyables débats de la primaire pour distraction de patronage.
Le roi lui-même, froissé d’en avoir été blacklisté, fit savoir qu’en ce dimanche glacial, il ne prendrait point part au vote: il s’était habilement enquit, voici plusieurs jours, d’effectuer un voyage de stratégique importance en l’île de Pâques.
Cette soudaine passion insulaire nous mit la puce à l’oreille et nous ne tardâmes point à saisir que le Flou s’était entiché de l’île de Tromelin, souhaitant s’y établir en compagnie de ses derniers féaux.
Nous sûmes alors, par une indiscrétion de cette canaille d’Artois, la plus grande bignole du royaume, que le Flou avait exigé de Monsieur de Jouyet qu’il se chargeât de la short list des VVIP conviés à résider en l’île.
Sitôt établi, le roi, désormais sacré roi de Tromelin, empereur au pagne fleuri, entendrait battre monnaie, lever une escouade de prétoriens aguerris, tout ainsi qu’établir l’indigénat à des fins de tondre les autochtones avec le talent dont il preuve lors du Grand matraquage fiscal du début de son règne.
Pour renfort de potage, Monsieur de Jouyet travaillerait, pour l’heure, sur un chapitre essentiel de l’étiquette: les costumes.
Sur les conseils avisés de Madame de Cordula, experte en tropicaleries mondaines, les pagnes portés en Cour seraient adornés de fleurs d’hibiscus tout ainsi que de bougainvillier. La mise des gens de Cour serait assez sobre, dispensant de surtouts, chemises et chopines vénitiennes, assez inconfortables dans la touffeur des tropiques.
Madame de Cordula préconise encore que le roi s’abstienne de porter une Couronne, suggérant un simple bandana aux armes de Tromelin, sur lesquelles planche présentement un héraldiste de renom.
Un hymne national, pompeusement intitulé, « Aux armes tromelins » serait également composé à des fins d’être interprété par des joueurs d’ukulélé.
L’infortuné Monsieur de Jouyet, à ployer sous le labeur et le dévouement, ne mouche sa chandelle qu’à l’aube naissante: le roi s’est pris d’exiger une Constitution placée sous la doxa tutélaire des esprits laïcs auxquels il siérait de rendre hommage chaque jour que Dieu fait, en dressant force banquets, des Kaï-kaÏ, où l’on ripaillerait d’abondance.
Cet Eden se devrait-il de séduire les proches du roi qui, à présent, craignent la relégation, l’oubli, l’ignorance des gazettes et des plateaux,?
Approché, le comte Le Foll, en danger dans son fief de la Sarthe, semble faire la moue du dédain. Monsieur de Cazeneuve, également pressenti, fait savoir qu’il entend reconquérir son duché de Cherbourg.
Mais la question qui agite la Cour est de cruciale importance: Mademoiselle de Maintenant fera-t-elle son content d’une existence toute de bikinis et de lait de coco? Nul ne le sait, pas même Artois!
D’aucuns, à l’esprit mal tourné, évoquent le destin du Petit tondu à Sainte-Hélène, voire pour les plus tordus, celui du traître Pétain à l’île d’Yeu, arguant que les îles sont point propices à l’exil.