Mardi, Manuel Valls a été giflé lors d’un déplacement de campagne en Bretagne. Le jeune homme a rapidement été maîtrisé. Un policier explique à L’Express en quoi consiste la mission de ses collègues chargés de la protection des personnalités.
La scène de la gifle assénée par un jeune Breton à Manuel Valls, mardi en fin de journée à Lamballe, a jeté la lumière sur une profession parmi les plus discrètes: les policiers chargés de la protection des personnalités. Sur la vidéo de l’incident, après avoir tenté d’atteindre le visage de l’ancien Premier ministre socialiste, Nolan, 18 ans, est saisi au cou et jeté à terre puis immobilisé par un fonctionnaire de police. Une réaction normale et habituelle selon Fouad El Rharraz, le délégué du syndicat de police Alliance, chargé du service de la protection des personnalités (SDLP) joint par L’Express.
Manuel Valls a été touché au visage par ce jeune homme, n’y a-t-il pas eu une faille dans sa protection?
Non. La règle c’est que le VIP [Pour Very Important Person, c’est le nom donné par les fonctionnaires aux personnalités protégées] décide lui-même d’aller au contact du public. Notre service doit alors s’adapter à ses faits et gestes, il est formé pour ça. Ici, les policiers chargés de sa protection ont bien réagi, car ils ont tout de suite évacué Manuel Valls après l’incident.
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Sur les images, le jeune homme est pris au cou et projeté à terre, la réaction du policier n’a-t-elle pas été trop violente?
Il n’y a pas eu de geste déplacé et la réaction du fonctionnaire était normale. Si vous regardez bien la vidéo, le grillage derrière le jeune homme n’est pas fixe, il n’avait donc rien pour s’appuyer quand le policier lui prend le bras, c’est pour ça qu’il est tombé. S’il y avait eu un mur, le policier lui aurait fait simplement une clé de bras.
L’effectif autour de Manuel Valls -protégé au titre d’ancien chef de l’exécutif et non de candidat à la présidentielle- est-il suffisant?
Habituellement, lorsque quelqu’un quitte son poste de Premier ministre et mène une vie calme, on met à sa disposition quatre personnes, qui se relayent par binôme. Là, Manuel Valls est parti de Matignon avec 12 à 14 fonctionnaires qui travaillaient déjà pour lui.
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A mon sens et selon mon expérience, même si on à affaire à un ancien Premier ministre en campagne, il n’aurait dû y en avoir que 8.
Qui décide des personnalités à protéger et des effectifs qui leur sont attribués?
Tout est traité par l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT). Les décisions sont prises entres politiques et les policiers n’ont pas leur mot à dire. D’ailleurs, nous ne cessons de demander l’arrêt de nos missions de complaisance, car on veut recentrer les policiers sur leur corps de métier. Nos 450 officiers de sécurité et chauffeurs dépassent constamment leurs limites du temps de travail, mais notre requête est resté lettre morte.
Qu’appelez-vous « mission de complaisance »?
Certaines personnalités protégées confondent la protection et le prestige. Selon elles, ça fait bien d’avoir un chauffeur, un véhicule et un gyrophare. Je peux vous citer l’exemple d’un avocat, qui fait dépêcher deux personnes ainsi qu’un véhicule, à chaque fois qu’il va faire du sport, à 600 m de son domicile. On fait de la protection, pas de l’accompagnement!
Quel type de personnalités protégez-vous?
Nous avons deux types de missions. La première vise à protéger une personnalité de façon temporaire, parce qu’elle est menacée. On a aujourd’hui 110 à 130 missions de ce type. Actuellement, on assure notamment la protection de personnes menacées par le terrorisme, comme certains journalistes, dont une partie de l’équipe de Charlie Hebdo, et les représentants des cultes.
L’autre volet consiste à protéger quand elles le souhaitent les personnalités qui bénéficient d’une protection habituelle. Parmi elles on compte les chefs des institutions politiques, les membres du gouvernement… Tout cela mobilise une centaine de personnes, avec à chaque fois au moins un officier et un conducteur, et comme je vous le disais, on est largement en sous-effectif et les dispositions européennes du travail ne sont pas respectées.
Le recrutement est-il difficile?
La profession n’attire plus. On est en pleine période de recrutement, mais les effectifs ne viennent pas. A titre d’exemple, il y a 10 ans, lorsqu’on ouvrait 10 postes, on avait 500 à 600 demandes. Actuellement, on a ouvert 100 postes d’officiers et de conducteurs et nous n’avons eu qu’une quinzaine de demandes.