2017. Les propositions de Benoît Hamon en matière sociale ont été phagocytées par son revenu universel d’existence. Le point sur ce sujet, mais aussi sur ses autres idées en matière de temps de travail, de protection sociale, de place du salarié dans l’entreprise…
« Il faut repenser la place qu’on accorde au travail dans l’épanouissement des individus. » Interrogé ce 13 janvier par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), au lendemain du 1er débat des primaires, Benoît Hamon a résumé ainsi ses ambitions pour repenser la société. Lesquelles vont selon lui bien au-delà du revenu universel d’existence figurant dans son programme. Ceux qui mettent le cap sur une croissance sans se préoccuper du coût environnemental et du coût social que cela représente se trompent, estime celui qui se place volontairement « hors cadre ».
Lui souhaite mettre à profit la transition numérique et écologique en cours pour changer de logiciel, revendique une société « post-croissance » où le travail, se faisant rare, devra être partagé. Et où les gens ne s’en porteront que mieux, libérés de leur asservissement à un travail susceptible de « coloniser des vies et broyer des personnes ». Ses propositions.
Le revenu universel en pratique
C’est la mesure phare. De quoi s’agit-il ? De lancer, en 2018, un revenu universel d’existence (RUE) correspondant à un RSA augmenté de 10%, et de le verser automatiquement à tous ceux pouvant y prétendre (ceux qui aujourd’hui bénéficient du RSA mais aussi ceux qui ne l’ont jamais réclamé). Ce RUE serait aussi distribué aux jeunes de 18 à 25 ans révolus. A la fin du quinquennat, il pourrait être étendu sous conditions de ressources (avec un plafond fixé autour du revenu médian des employés, soit 1600 euros).
La troisième étape de RUE généralisé à l’ensemble de la population ne pourra intervenir qu’au-delà de 2022. Pour entamer le chantier du RUE, Benoît Hamon lancera une grande « conférence sociale et citoyenne » (citoyens tirés au sort). C’est là que seront précisément défini le périmètre et le montant du subside, qui ne pourra en aucun cas venir remplacer droits au chômage, retraite ou couverture maladie.
La première étape de la mesure, dont le coût est estimé à 45 milliards d’euros, serait financée par un nouvel impôt sur le patrimoine issu de la fusion entre la taxe foncière et l’ISF. Benoît Hamon souligne que « c’est juste un peu plus que le CICE et le Pacte de responsabilité qui ont coûté 40 milliards d’euros ». Un flou total demeure sur le financement des phases ultérieures d’extension du revenu universel.
L’abrogation de la loi Travail
Comme son rival Arnaud Montebourg, Benoît Hamon a l’intention d’abroger la loi Travail dès sa prise de pouvoir. Non pas qu’il soit contre la négociation d’entreprise. « Myriam El Khomri et Manuel Valls font comme si la loi Travail avait accouché du dialogue social, mais on ne l’a pas attendu pour qu’il y ait des accords d’entreprise! », ironise-t-il. S’il est élu, le candidat rétablira la hiérarchie des normes pour que le code du travail continue de prévaloir sur les accords de branche ou d’entreprise, sauf si ces derniers apportent une protection supplémentaire aux salariés (pour rappel, ce n’est pas exemple plus le cas pour la majoration de la rémunération des heures supplémentaires, qui peut être abaissée par accord d’entreprise sous 25%, dans la limite de 10%).
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L’ex-ministre de l’Economie sociale et solidaire a aussi particulièrement dans son viseur les nouveaux critères pouvant justifier un licenciement pour motif économique. « C’est à cause d’eux que le plan social de La Voix du Nord, d’abord refusé par la Direccte, a finalement été validé », analyse-t-il. Myriam El Khomri, l’ayant entendu donner le même exemple lors du débat sur TF1, l’a interpellé sur Twitter pour nier en bloc l’accusation.
Benoît Hamon envisage d’initier une nouvelle loi Travail qui elle, sera issue « d’une vraie concertation avec les partenaires sociaux ». Elle instaurera notamment un droit de veto des élus au comité d’entreprise (dans les entreprises de plus de 2000 salariés), lorsque se poseront des questions de « délocalisation, de digitalisation, d’utilisation des fonds publics (Crédit d’impôt compétitivité emploi, crédit d’impôt recherche), de robotisation ou de fermeture d’usine ». « Les salariés ne doivent pas être des acteurs subalternes et périphériques des décisions stratégiques et il faut tendre au contraire vers une cogestion », juge-t-il.
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Sa loi Travail consacrera aussi un droit à la déconnexion effectif (les entreprises sont seulement contraintes aujourd’hui d’établir une charte) et visera à la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle (avec condamnation de l’entreprise responsable des souffrances). « On n’en fait pas assez sur les risques psycho-sociaux », martèle-t-il.
La baisse du temps de travail
La durée légale du travail – qui constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires -, sera maintenue à 35 heures. Néanmoins, dans une logique de partage du travail, le temps de travail effectif devra être revu à la baisse. Benoit Hamon souhaite ainsi la création d’un « droit inconditionnel au temps partiel accompagné d’une compensation salariale ». Il y aura une carotte financière pour les entreprises, qui pourra notamment être financée par une réaffectation du CICE. « Elles seront incitées (à faire du temps partiel) selon des formes multiples: semaines de 4 jours, congé sabbatique, temps partiel… », indique-t-il.
A noter que le CICE ne sera pas seulement conditionné à la réduction du temps de travail des salariés. Il pourra l’être aussi à des créations de poste et des progrès écologiques.
Benoit Hamon n’a pas changé sa position sur le travail du dimanche, encouragé par la loi Macron. Il y est toujours « opposé pour des raisons philosophiques ». « Je n’entends pas l’argument selon lequel si le salarié a envie de travailler le dimanche, on ne peut le lui interdire, tranche-t-il. On ne peut pas donner au salarié la liberté de s’affranchir de tout. On pourrait finir par aboutir sur le modèle du contrat de travail britannique, qui permet à tout un chacun de renoncer volontairement à ses droits ».
Si les salariés travailleraient moins, ils seraient également encouragés à se bouger, au sens propre du terme. « Il manque une culture de l’activité physique dans notre pays, alors que celle-ci réduit les maladies chroniques, constate celui-ci qui compte lancer un grand plan sport-santé s’il devient président de la République. Sur le modèle du crédit d’impôt recherche, je créerai un crédit d’innovation sociale, dont les entreprises effectuant de la prévention pourront bénéficier. »
La protection sociale revue et corrigée
Benoît Hamon compte créer un statut social unique de l’actif, « dépassant la distinction entre salariat et travail indépendant ». « Je rendrai ce statut plus protecteur selon le degré de vulnérabilité des actifs, à partir du socle commun du droit du travail et de la protection sociale », détaille-t-il. Malgré la création de ce statut social unique, l’ex-membre du gouvernement compte faire la guerre aux salariés déguisés des entreprises « ubérisées ». « Je requalifierai ces ‘collaborateurs’ en salariés », s’engage-t-il. Ce qui leur offrira congés ou protection contre les licenciements abusifs.
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Dans le programme du candidat ne figure pas précisément de mention du Régime social des indépendants (RSI), mais quand même la promesse d’améliorer la couverture retraite complémentaire et la couverture accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP) des indépendants. « J’équilibrerai les prélèvements sociaux afin qu’à revenus égaux, un indépendant et un salarié cotisent du même montant ».
Pour financer la protection sociale, le candidat souhaite, à l’instar des députés européens, instaurer une taxe sur les robots. « Lorsqu’un travailleur est remplacé par une machine, la richesse créée bénéficie essentiellement aux actionnaires, explicite-t-il. Je propose donc de taxer cette richesse – en appliquant les cotisations sociales sur l’ensemble de la valeur ajoutée et non plus seulement sur le travail – pour qu’elle finance prioritairement des mesures telles que le revenu universel plutôt que les dividendes. »