Hollande en Bartleby, symbole d’une gauche perdue

By | décembre 2, 2016
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Capture d’écran 2016-12-02 à 17.57.24« I would prefer not to » répète inlassablement Bartleby, le célèbre personnage de Melville. Littéralement « je préfèrerais ne pas ». Ce copiste employé de Wall Street décide de se rebeller en ne faisant plus ce que son patron lui demande. Il pratique une résistance passive qui laisse planer une stupeur.

« I would prefer not to », c’est en quelques sortes ce qu’a dit François Hollande, hier soir, jeudi 1er décembre, en renonçant à briguer un second mandat. En effet, le Président de la République, par sa décision vient reprendre une liberté et surtout vient dire non pas qu’il prend la fuite mais qu’il compte bien par cette décision et ce « I would prefer not to » résister pour défendre son bilan. Pour laisser sa trace dans l’histoire.

D’ailleurs, le livre tant décrié , « Un président ne devrait pas dire cela » écrit au cordeau par Gérard Davet et Fabrice Lhomme qui a poussé Manuel Valls à entrer dans une stratégie d’empêchement du président, ne disait pas autre chose. François Hollande, au-delà des commentaires ineptes des éditocrates, y apparaissait tel qu’en lui-même. Social démocrate et libéral. Assumant l’entièreté de son bilan à l’exception de la déchéance de nationalité. Comme hier lors de son renoncement. Hollande, pour la première fois en 5 ans traçait dans cet ouvrage sa cohérence politique et son horizon.

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Il était évidemment discutable, mais pour la première fois il donnait son récit aux Français. Le couplet honni sur la fameuse phrase de la Marianne de demain de la République qui serait une femme voilée d’aujourd’hui en étant le symbole. François Hollande avait un dessein pour la France, mais il n’a pas su le raconter. Il n’a pas sur le dire, pour que celui-ci soit ou non discuté. Résultat, c’est sur sa personnalité, sur les accros dramatiques (tweet de Trierweiler, promesses mises en suspens, ballades en scooter…etc.) que les Français ont constaté la rupture du lien avec leur président.

En disant, jeudi 1er décembre, « je ne serai pas candidat à la présidence de la République » ou plutôt « I would prefer not to », François Hollande tente une ultime résistance. Celle de défendre pieds à pieds son bilan. Celle de montrer qu’il n’aura pas été élu pour rien. La tâche sera rude. La tâche est immense. Les réactions de son camp hier, empreintes de dignité et de stupeur, démontrent d’ailleurs à quel point la déception de ce quinquennat est immense. Au fond, la gauche aurait aimé aimer François Hollande. Quelque part, l’un et l’autre se sont tourné le dos. Hollande en faisant en partie fi de ses promesses de campagne, la gauche en caricaturant son leader.

Capture d’écran 2016-12-02 à 18.01.57L’histoire jugera ce quinquennat. L’histoire dira si, oui ou non, cet intermède fut bénéfique pour le pays. En attendant, la gauche est en lambeaux. D’un côté, Jean-Luc Mélenchon fait de la politique, trace un horizon, sans savoir si oui ou non cet idéal est atteignable, Arnaud Montebourg se situe dans la même ligne en y ajoutant le pragmatisme économique de celui qui sait – en tout état de cause – que la gauche ne peut que décevoir lorsqu’elle exerce les responsabilités. De l’autre, Emmanuel Macron trace des lignes politiques fortes dans son livre « Révolution », sans que l’on ne sache vraiment quelles pourraient être ni sa politique, ni sa majorité, ni son horizon. De même, Manuel Valls, encore Premier ministre, s’il devient candidat à la Primaire de la gauche portera le bilan du quinquennat, mais aussi, plus lourd encore, sa personnalité rigide, son autoritarisme, et sa gauche identitaire. Pourra-t-il en sortir ? A cela viennent s’ajouter, évidemment, les candidatures anecdotiques et de témoignages : EELV, Trotskystes et radicaux de gauche dont personne hormis le microcosme politique et journalistique ne fait cas.

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Bref, ce vendredi 2 décembre, comme François Hollande, la gauche se dit « I would prefer not to ». Et pourtant, les égos vont la pousser un peu plus dans le gouffre. A moins d’un dernier sursaut ? D’une résistance passive qui amène, finalement, à regarder lucidement ce qui a été bien et mal fait et à repartir de l’avant. Face à un candidat – Fillon – qui n’a gagné parce qu’il avait en face de lui un agité limite voyou et un nostalgique qui a oublié de faire campagne, la gauche y aurait tout intérêt.