Ainsi qu’il en va présentement en ce royaume tout de déglingue, l’affaire n’a point tardé à transpirer. L’affaire, quelle affaire? Par le Sang du Christ, de quel scandale s’agit-il cette fois encore?
Avec prudence et retenue, confessons que les fagots rapportés par cette vieille canaille d’Artois nous ont mis les poils, selon la sémantique caillera que ce même Artois nous enseigne avec une infinie patience.
Nous vous devinons rongée par l’impatience: exauçons vos voeux de curiosité!
L’on raconte ainsi que le roi, à présent confit dans l’ennui de la pénitence, serait prit de donner une fête d’un genre assez dévergondé à des fins de se distraire, d’apporter un peu d’entrain et de rompre la pesante opprobre qui le ceint comme Vierge de fer.
A la faveur d’Halloween, cette fête empreinte de ce paganisme dont le roi est si entiché, il fut donc décidé de célébrer Halloween au Château!
Toutes affaires cessantes, le Flou pria Monsieur de Gantzer de pondre une alléchante didascalie à l’intention des rares acteurs qui daignent encore poindre leur nez en les coursives glacées où rats et cafards se disputent les reliefs d’une maigre pitance, maintenant que maitres queux et valets de bouche se sont enfuis comme moineaux devant la dent du chat.
Le roi avait ordonné que l’on se déguisât dans l’esprit du moment. Lui-même avait passé une citrouille de belle taille sur sa tête, faisant fi de sa coiffure à quelques dix mille écus. Ladite citrouille surmontée du chapeau pointu des médicastres, il avait quelque allure, tout de noir vêtu sous une longue robe qui venait à flotter autour de ses accordes rondeurs.
Monsieur de Jouyet, toujours si corseté de retenue, affichait sa figure de gargouille, de celle qui faisait dire aux courtisans que tout déguisement était superflu.
Monsieur de Mobeausapin, emballé de lunaires rondeurs, avait jeté son dévolu sur une ample bure, soigneusement constellée de taches, lui conférant l’allure d’un moine rabelaisien, tout de débauche et de bâfreries.
Le comte Le Foll, naturellement pourvu de la trogne d’un féal de Robin des Bois, n’eut aucun effort à accomplir pour se grimer de circonstance.
Ayrault de Nantes, en froid avec le roi depuis que ce dernier s’était dégorgé de bile sur son compte, faisait une tête d’enterrement assez assortie avec celle de Monsieur d’Urvoas qui semblait tout droit sorti de chez l’embaumeur.
Monsieur de Cazeneuve, sans doute éprouvé par les quolibets de ses gens de sûreté, avait su très habilement tirer parti de son teint hâve. Son accoutrement de Dracula aurait pâlir Christopher Lee de jalousie.
Selon Artois, notre indic, toujours à glaner les plus exquis bobillonages, le comte Le Foll aurait grommelé que cet aréopage était incomplet puisqu’il y manquait une goule. Comme à son accoutumée, il ne tarda point à donner le répons en soulignant que ce casting aurait du être adorné des talents de Madame d’Alors, la sorcière mal aimée que le roi avait répudiée.
Le rôle ne seyant point à Mademoiselle de Maintenant, il fut entendu qu’elle interpréterait la vierge sacrificielle dont la gorge pigeonnante serait transpercée par les crocs élimés du comte Cazeneuve, alléché par le sang virginal de cette victime expiatoire.
L’argument de cette teuf d’un ésotérisme de patronage, était double.
Le roi entendait en finir avec l’opprobre jeté sur sa personne par ce terrible « Livre du démon » qui lui causait tant de mal. A cette fin, le Flou souhaita que l’on brûlât ce grimoire maléfique, à défaut de jeter ses auteurs sur un bûcher que le comte Le Foll se serait plaisamment chargé de garnir de fascines bien sèches et bien craquantes.
Le désir du roi fut exaucé et les cendres pieusement recueillies furent versées en une carafe de sangria que le Flou réservait à des fins de gâter le palais du comte Valls de Catalogne, dans le vain espoir de précipiter son trépas.
Le second argument de cette petite sauterie était non moins exempt de noirs desseins.
S’étant saisi de la dernière icône de l’abbé Juppé, un vilain portrait d’un goût aussi vintage que compassé, le Flou entendait que l’on le brûlât lui aussi à des fins hautement conjuratoires.
Ravi, le comte Le Foll jeta la croute dans le brasier: elle y crama comme un vieux cep de vigne, pétant et craquant pour le plus grand bonheur des convives.
Le roi esquissa un bon sourire de contentement, songeant que l’on pourrait servir les cendres à Monsieur de Macron.
S’amusa-t-on au moins de ces royales réjouissances? Ces rites sataniques furent-ils suivis d’une bacchanale?
Le lippe boudeuse, toute de ce dédain qui se peint lorsqu’il vient à être déçu, Artois coupa court:
– Non point, marquise. C’était plutôt le genre: « Nuit des morts-vivants ».